En cette année 1961, la France vit des heures sombres de son histoire puisque nous sommes en plein conflit de la guerre d'Algérie. Que ce soit à Paris ou dans les moindres endroits de province, les algériens sont humiliés et haïs par une partie importante de la population française. Alors que les rafles se multiplient avec leur brutalité et que les slogans racistes fleurissent sur les murs, deux petits kabyles, Messaoud et son frère, à la suite de graves ennuis de santé de leur mère, sont emmenés par leur père à l'Assistance Publique, celui-ci faisant les trois-huit en usine et ne pouvant plus subvenir à leur garde. C'est ainsi que les deux enfants sont placés avec des fortunes diverses dans le Berry profond chez des parents adoptifs .
Nous allons suivre plus particulièrement le parcours de ce petit Messaoud dont Gisèle, la mère adoptive, est mariée à Georges, ancien militaire bardé de médailles, très patriote et partisan de tout crin de l'Algérie française. Le dilemme est alors terrible pour Gisèle qui tentera de cacher le plus longtemps possible à son époux et aux gens du village l'origine de Messaoud. Le prénom se transforme alors en Michel, et le nom en d'Auber en raison du lieu de naissance à Aubervilliers. Mais le "secret" de Gisèle va finir par mettre en péril le couple malgré toute l'affection que porte Georges pour "Michou" teint en...blond.
C'est vraiment une poignante histoire que nous conte Thomas Gilou au travers de ce film. Le climat ambiant de l'époque est magnifiquement reconstitué. Il est ponctué par les discours du Général de Gaulle, par les chansons du moment, mais aussi par les brutalités et l'incivilité d'une certaine frange de la population malheureusement plus adepte de la ratonnade que de la paix et du dialogue.
C'est dans cette ambiance hostile que va se jouer le destin du petit Messaoud et de son frère, bien loin, dans leur innocence, de la frénésie qui pousse certains à commettre des actes barbares et avilissants. Messaoud sera plus gâté que son frère dans le choix de la famille d'accueil malgré les hésitations de Gisèle pour prendre sous son toit un petit kabyle. Toutefois c'est dans la tendresse de ce foyer que va réussir à s'épanouir le gamin avec la complicité involontaire du gentil bourru Georges, ignorant l'origine de "Michou", et avec l'aide volontaire de l'instituteur et du curé du village. Le petit garçon deviendra même... un bon élève, ira à la messe le dimanche car il fera parti de la chorale de la paroisse. Malheureusement, dans le village, le clan peu reluisant des partisans de l'Algérie Française finit par découvrir la supercherie et humilie "Michou". Le couple va alors basculer dans la tourmente et Georges va tout faire pour prendre la défense de son petit protégé vis à vis de ses anciens compagnons de combat.
Le ciel bleu finira bien un jour par revenir lorsque Gisèle et Georges feront une demande d'adoption pour "Michou". Toutefois ce coin de ciel bleu ne sera qu'une éclaircie car, la guerre terminée, le père de l'enfant vient récupérer ses deux fils après le décès de sa femme et l'arrivée d'une petite soeur. C'est alors la foudre qui s'abat sur la famille adoptive et sur "Michou"...
C'est vrai que ce film de Thomas Gilou (La vérité si je mens, entre autre) a parfois un goût de "déjà vu" avec ce petit môme arrivé par les hasards de la vie chez un brave couple dominé par un mari bourru mais au coeur tendre. C'est ce rôle qu'interprète de manière magistrale Gérard Depardieu, lancé actuellement dans une série de rôles à sa mesure. Toutefois le sujet est tellement humain avec le climat trouble de l'époque et ses violences physiques et verbales, avec ces chansons à la mode interprétées par Dalida ou Bourvil, avec cette télé que l'on regarde religieusement ou cette "Ami 6" dont on attend la fin du rodage, que l'on ne peut qu'apprécier cette œuvre couleur sépia.
Le sujet est grave et peut -être encore présent chez certains, toutefois des taches d'humour, parsemées avec beaucoup d'à propos, nous montrent la vie sous des moments parfois meilleurs. Nathalie Baye interprète avec son naturel habituel ce rôle de femme privée de maternité et reportant toute son affection sur un enfant qu'elle ne désirait pas adopter au départ. Et puis, il y a notre petit "Michou" joué par l'adorable Samy Seghir. Il réussit sans aucun mal à nous attendrir par son humour et par l'émotion qu'il dégage dans les moments les plus dramatiques. Citons aussi la belle performance de Mathieu Amalric dans son rôle de personnage sensible et attachant d'un instituteur typique de village. Mentionnons également la bande originale de ce film utilisée fort judicieusement au gré des scènes présentées.
Voilà une 156uvre qui, à défaut d'originalité par son sujet, mérite toute notre attention. En effet cette œuvre délivre un message d'humanité en utilisant comme support des vérités historiques fort bien relatées par l' image et le propos. Voici donc un excellent film que je vous encourage à aller voir, il vous fera parfois rire, parfois il vous serrera la gorge mais il ne vous laissera pas indifférent.