Et le voici, le premier film réunissant Mickey, Dingo et Donald et qui ne soit pas une anthologie de courts, prenant appui de plus sur une des plus connues aventures, celle des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, puits visiblement sans fonds pour l’adapter à toutes les sauces.

Oui mais ce premier film est signé de DisneyToon Studios, branche moins recouverte de gloire que la principale, avant tout responsable des nombreuses suites des classiques Disney des années 1990-2000, aux qualités variables (et parfois trop injustement comparés aux originaux).

Et qui est sorti directement en DVD (et en VHS), privant donc Mickey et Donald de l’opportunité de briller dans les salles obscures avec un long métrage. Dingo rigole naivement, car lui y avait eu droit en 1995 avec Dingo et Max, le petit coquin.

Pour autant, inutile de gronchonner. Si le film de Donovan Cook n’a pas les ambitions des classiques Disney, et encore moins les moyens, il se révèle pétillant et aventureux, à la fois classique et moderne.

Utilisant un personnage secondaire comme tortue qui fera l’office de narrateur et s’intègrera parfois au film, ce procédé permet ainsi de faire tous les pas de côté nécessaires pour s’accorder un peu de liberté. Celui ci rappelle d’ailleurs le Roi Lion 3 de 2004, autre belle réussite de la branche australienne de DisneyToon Studios.

Cette revisite du roman d’Alexandre Dumas permet à la fois de le respecter, les héros mousquetaires en question étant présents dans l’introduction, mais aussi de s’en éloigner, pour mieux laisser la place à Mickey, Dingo et Donald. Ces trois hommes à tout faire au service des mousquetaires n’ont qu’un seul souhait, en faire partie à leur tour, mais les trois amis sont soit trop petit, trop benet ou trop peureux pour pouvoir y prétendre.

Leur incompétence et leurs ambitions sont bien connus du capitaine de la garde, le fourbe Pat Hibulaire, qui va les assigner comme garde du corps de la reine, la romantique Minnie, convaincu que leur maladresse va lui permettre de kidnapper la dirigeante par ses sbires pour mieux prendre le trône. Malgré les difficultés et leurs défauts, le vaillant trio va ainsi devoir convaincre tout le monde de leurs valeurs.

Le long-métrage n’étant pas si long, 64 minutes toutes habillées, il doit aller vite et pourtant il avance avec une énergie évidente mais qui ne crée pas un rythme trop précipité. Il offre des personnages suffisamment caractérisés pour donner envie de partager l’aventure avec eux, avec Mickey, Donald et Dingo ici en outsiders qui doivent faire leurs preuves sans se départir de leurs habituelles personnalités. Une qualité d’écriture qui se retrouve aussi dans les personnages secondaires : Minnie et Daisy seront certes des demoiselles à sauver, mais leurs caractères un peu piquants relèvent le niveau habituel. La Reine Minnie est ici présentée comme une optimiste fleur-bleue, un trait de personnalité qui aurait pu virer à la mièvrerie mais ici bien exploité, avec ce qu’il faut d’humour et de romantisme.

Pat Hibulaire est aussi un gros pataud, méchant mais pas trop, dépassé par la bêtise et l’incompétence des Rapetous du métrage. Il peut compter sur l’aide d’une Clarabelle en assistante efficace et dangereuse, avant que ne sa rencontre avec Dingo ne la pousse à revoir ses loyautés, à sa grande surprise lors d’une scène hilarante.

Le métrage offre ainsi un certain charme hérité de temps passés, où Mickey et ses amis reprenaient les vieux contes et autres récits (Mickey et le haricot magique, par exemple) pour des aventures débridées. L’univers des mousquetaires s’y prête bien, et d’ailleurs il y eut de précédentes tentatives de Disney pour s’en emparer. Mais si le film rend ainsi hommage à une certaine tradition héritée de son âge d’or, il se permet aussi de faire une révérence inédite à un autre média où les héros de Disney se sont diffusés, à savoir la bande-dessinée avec son introduction et son générique de fin. Une belle rareté, tant les métrages animés ont habituellement dédaignés cet espace qui a pourtant permis aux personnages de vivre de nouvelles aventures et même de s’enrichir, à l’image des créations du génial Carl Barks ou de Floyd Gottfredson.

La liberté ici prise se fait ainsi au service d’une audience plus moderne. Le cadre temporel des Trois Mousquetaires est adapté avec une certaine liberté, dont les quelques anachronismes n’en sont qu’une des facettes mais ne jurent aucunement dans le récit. Si les plans extérieurs sont rares, le curieux Français pourra tout de même s’amuser de quelques vues du Paris de l’époque (ou s’en rapprochant), d’un Mont Saint-Michel menaçant, un lieu rarement vu en animation, ou plus communément, de quelques répliques en “french’’ en VO.

Le film se permet ainsi une douce mais certaine auto-dérision, qui fera rire les plus grands. Quelques références à d’autres films Disney sont même présents, avec une délicate discrétion et une intégration souvent maligne qui permet de saluer le public un peu plus âgé, et notamment les fans de Disney.

Dans cette logique de revisite à son profit, il offre aussi une bande son drôle et imaginative, où les chansons reprennent les airs célèbres de la musique classique mais avec des paroles loufoques, toujours intégrées au récit. L’Amour est un oiseau rebelle reprise par un Dingo amoureux est ainsi un des meilleurs moments du film, par sa drôlerie mais aussi son utilisation dans un contexte plutôt périlleux. Cette bande-son de grande qualité lui permettra d’être en 2018 la première bande-son d’un direct-to-DVD Disney éditée en CD par Intrada Records.

La version français bénéficie d’ailleurs des habituels doubleurs, avec Laurent Pasquier, Sylvain Caruso, Gérard Rinaldi et bien d’autres professionnels. Même s’il ne s’agit “que” d’une petite production Disney, le public français n’est ainsi pas lésé par un doublage médiocre, bien au contraire.

Il faut par contre accepter que le film n’a pas la même qualité d’animation que ses grands frères du cinéma, même si cela reste bien au dessus des standards de bien d’autres compagnies. Assez ironiquement, ces Trois Mousquetaires n’ont même pas tant à rougir face à la sortie pour les salles obscures de cette année, l’anecdotique La Ferme se rebelle.

Le métrage n’accroche pas l’oeil avec des scènes spectaculaires, riches en étapes d’animation, en personnages ou en angles de vues, et c’est bien dommage. Mais il fait de son mieux. Il propose des décors aux couleurs aquarellées un peu plus audacieuses, une légère touche qui permet de varier le classicisme des décors. Et malgré tout certains plans s’ils sont statiques n’en sont pas moins réussie : à l’image de cette contre-plongée dans un milieu marin rempli de squelettes qu’on comprend jetés là par Clarabelle ou de ce Mont-Saint-Michel aux accents verdâtres et inquiétants. Des images un peu plus fortes, très réussies esthétiquement et qui se permettent d’offrir un peu de tension à un film décidément pas que réservé au jeune public.

Tel qu’il est actuellement, avec la conscience de son statut de production pour le marché audiovisuel et les moyens avec, Mickey, Donald, Dingo : Les Trois Mousquetaires est donc une revisite fantaisiste mais réussie, avec sa patte dans le passé et son autre dans le présent. Une évidente réussite, à l’énergie et la plaisanterie communicative. Mais qui finalement nous laisse songeur : il aurait fallu lui offrir plus de moyens, plus de temps, et une sortie cinéma, afin de laisser aux talents créatifs impliqués toute l’opportunité pour se démarquer. Et enfin offrir à Mickey, Donald et Dingo et les autres, ces icônes certes vieillissantes mais toujours valables, le long-métrage cinéma qu’ils méritaient enfin.

SimplySmackkk
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le 20 avr. 2023

Modifiée

le 23 mai 2024

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