Duplicity lights
Il faut un certain temps pour mettre le doigt sur l’emprise générée par Midnight Special. Parce qu’il est accidenté, parce qu’il n’est pas exempt de défauts, le trajet qu’il propose nous embarque...
le 17 mars 2016
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Peu d’informations ont circulé jusqu’à présent sur Midnight Special, le quatrième film réalisé par Jeff Nichols. On savait grâce à la bande-annonce qu’il allait être question d’effets spéciaux spectaculaires, de science-fiction, d’un enfant au centre du récit, le tout servi par un casting alignant les noms connus: Michael Shannon, le chouchou du réalisateur, mais aussi Kirsten Dunst, et Adam Driver. La presse n’était même pas autorisé à parler du film une demi-heure après le début de la séance à la Berlinade, tant la Warner semblait effrayée que personne ne reste jusqu’au bout (cf Telerama). Pourtant, Midnight Spécial est loin d’être mauvais. Seulement, il manque singulièrement d’originalité. Jeff Nichols l’a affirmé d’entrée de jeu, avant que la séance ne démarre: le visionnage enfant de Rencontres du 3ème type, réalisé par Spielberg l’a directement inspiré dans la conception et la réalisation de Midnight Special. Parler d’influence serait peut-être un euphémisme, tant les deux films sont proches, et tant Midnight Spécial apparaît à la limite du remake éhonté d’un admirateur enamouré.
Le récit de Nichols tient en une seule phrase scénaristique: un père et son meilleur ami d’enfance cherchent à amener son fils à un endroit précis, fils qui détient des pouvoirs extraordinaires. Et, c’est à peu près tout. Il est donc difficile de rajouter quelque chose, mais on précisera que l’histoire a clairement le cul entre deux chaises: d’un côté, le réalisateur affirme lui même à travers son film sa volonté de pérenniser ses recherches filmiques au sujet de la famille, et des rapports qui se nouent, se dénouent à l’intérieur de ce groupe. Cependant, aller voir Midnight Spécial en ayant en tête la profondeur psychologique d’un Mud par exemple serait une mauvaise idée, puisque le premier ne cherche paradoxalement pas plus que cela à creuser et détailler les liens inter-familiaux. Il n’est étrangement question que de cela, mais Nichols reste en surface. Les dialogues sont essentiellement construits autour de la survie et de la préservation des uns et des autres, d’abord parce que le temps du récit l’exige. D’un autre côté, en faisant le choix de verser dans le genre de la science-fiction, Nichols finit par se priver de rajouts à outrance de scènes d’action, qui n’ont d’autre but que de gaver le spectateur assis lascivement sur son siège de cinéma. L’intention ici est bien sûr louable. Mais le mélange, peu homogène, laisse de temps à autre filtrer quelques lourdeurs ponctuées par des dialogues auxquels on croit peut.
Avant de parler des autres aspects du film, il faut se pencher quelques minutes sur le cas Adam Truffaut Driver. Dès son apparition, on visualise très bien un Nichols enfant, impressionné, assis devant sa télévision avec son père débarquant pour lui mettre une cassette où un scientifique français s’intéresse de près à la vie extraterrestre. Le réalisateur a poussé la référence jusqu’à donner un nom à consonance française à son scientifique cloné, Sevier, alors que nous avons tous encore en tête Kylo Ren. Et, sans qu’on ne puisse juger de si c’était fait exprès ou non, il faut bien avouer que Adam Driver est parfois pas loin du ridicule tant il peut paraître gauche dans son rôle. Outre le cocasse «sabre rouge» prononcé, à la suite duquel on s’attend à le voir mettre une capuche et dégainer pour trancher son interlocuteur, son rôle dans Star Wars, qui risque de lui coller à la peau pendant un bon moment, semble lui faire perdre une crédibilité qu’il devait pourtant avoir chèrement acquis. Truffaut, qui ne laissait pas tant de place aux ricanements possédait également plus de panache, face à une pâle copie anecdotique.
Fort heureusement, la valeur du tout nouveau Nichols se trouve dans ses acteurs, en priorité Michael Shannon, à qui on ne reprocherait presque jamais rien, et en Jaeden Lieberher, qui incarne le jeune Alton. Malgré des répliques pas toujours bien fichues, l’enfant acteur ne tombe jamais dans le ridicule, ou l’outrance expressive. Sa façon de jouer est claire, posée, mature et, de fait, sa prestation doit être saluée. Les effets spéciaux méritent également d’être mentionnés, d’abord pour leur dosage parcimonieux, mais aussi pour leur insertion au bon moment. Ni trop peu, ni trop assez, et assez spectaculaires, jusqu’à un final qui prend bien son temps pour montrer tout un ensemble dont l’envergure mérite que l’on s’y attarde, comme l’a fait très justement Nichols, à bon escient, et pour le régal de nos yeux.
En somme, Midnight Special contient des bonnes idées, et d’autres moins bonnes. Le film plaira très certainement à tous les fans de Spielberg, autant qu’il lassera ceux qui voudraient voir autre chose que des resucées, comme celles réalisées par JJ Abrams.
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le 17 févr. 2016
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