Duplicity lights
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Pari risqué pour Jeff Nichols qui après deux succès publics et critiques que sont Take shelter et Mud, décide de s'attaquer à un genre en pleine renaissance aujourd'hui : la science fiction.
On peut dire que ce film est une prouesse dans le paysage actuel tant il réussit à réunir l'exigence d'un cinéma d'auteur et un divertissement tout public. Ce film est d'une grande intelligence qui fait preuve d'une grande qualité d'écriture et d'usage des effets spéciaux. Le film commence d'ailleurs autour de rien : une voiture, deux malfrats et un enfant qui porte des lunettes de bain (non ce n'est pas une blague) en lisant avec sa lampe torche des comics sur la banquette arrière. Nichols revient au fondement de la science fiction. Pourquoi le spectateur aime t-il tant ce genre ? Tout d'abord parce qu'il renvoie à l'enfance et à sa puissance d'imagination. Pendant les premiers instants du film, nous retrouvons ce don perdu, la voiture qui roule devient un vaisseau, le film semble ouvrir à un imaginaire absolument infini.. On est plongé toute de suite dans l'action, l'effort de compréhension passe aussi par un effort d'imagination où le monde est vu à travers ces lunettes de piscine qui reconfigure notre sens de la réalité. Il y a une grande ambiguïté tout le long du film : l'enfant est à la fois porteur de création (possibilité créative d'un nouveau monde à habiter) et de destruction. Il y a une forte émotion dans le film dû fait que le père essaye de protéger son fils contre lui même. Nichols mêle des enjeux fictionnels avec des questions propre à chacun. Qu'est ce que être père ? Comment peut-on protéger son fils du monde qui l'entoure ? Le film est bien plus complexe qu'il n'y paraît. On peut parler aussi de l'esthétique du film. Comme je le disais plus haut, le film use à bon escient des effets spéciaux. Les effets spéciaux se superposent en quelque sorte à notre monde réel. Comme cette scène absolument magnifique (peut être la plus belle scène de science fiction depuis bien longtemps) où l'on voit des morceaux de satellite tombés du ciel pendant que le fils est en train de parler avec le père. On a donc bien une contamination entre un monde imaginaire et un monde réel, ce qui crée une tension très présente dans le film. D'autant plus forte, que les résultats de ces phénomènes paranormaux sont la conséquence d'un petit garçon absolument innocent. Beaucoup d'enjeux ici trouvent leur écho dans Take shelter. La représentation née de l'esprit de l'homme a toujours intéressé Nichols. On retrouve aussi à travers le même acteur Michael Shannon, une certaine inquiétude de la figure paternelle qui le conduit à la réalisation d'un projet démesuré. En effet dans Take Shelter, on suit un père qui veut sauver sa famille d'une fin du monde qu'il juge imminente. Il regarde lui même le ciel comme dans Midnight Special à la recherche d'un signe de cet ailleurs fictionnel. Ici, Nichols veut nous faire croire à ce que l'on voit à l'écran. De même que l'enfant croit à ce qu'il lit dans les comics, le spectateur doit croire à l'histoire qu'on lui raconte. Nichols renoue avec une perspective spielbergienne où l'imaginaire de l'enfance devient l'enjeu du film. Finalement Nichols, parvient à nous redonner ce goût de l'enfance et de la croyance en un ailleurs habitable pour l'homme. Rien que pour cela, le film est réussi.
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Créée
le 15 mars 2016
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