Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
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le 3 août 2019
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En introduction disons-le tout net, je ne fais pas partie de ceux qui attendaient ce "Midsommar" conquis d'avance, n'étant absolument pas un adorateur du déjà culte "Hérédité", dont la mise en place m'avait certes intrigué et séduit mais qui m'avait par la suite laissé plus que perplexe, pour ne pas dire plus.
Alors la claque reçue ce mercredi n'en est que plus forte, car oui j'ose l'affirmer, Ari Aster vient tout simplement de déplacer le curseur du film d'horreur. Je vais avoir du mal à en parler longuement car pour être sincère je n'en suis pas encore véritablement sorti, toujours sous le choc, assez similaire à celui que j'avais ressenti suite au visionnage, il y a bien longtemps, de "La Dernière Maison sur la gauche" de Wes Craven. Ce qui me saute le plus aux yeux est la volonté de respecter le genre tout en faisant voler en éclats les repères habituels.
Enfant malade de "2000 Maniacs" et "The Wicker Man", "Midsommar" est un monstre qui dévore peu à peu ceux qui peuplent le film et ceux qui le regardent. 2h30 de vertige, de transe dont on ne sort pas indemne. Et ce pour plusieurs raisons : nous avons peur du noir, alors ici l'horreur s'étalera au soleil, nous sommes habitués à voir une image crade souligner le geste crade, donc Aster fait du lustré en permanence, photographie, mise en scène, musique rivalisant de virtuosité et de beauté, la violence faite au spectateur va d'habitude crescendo, ici on prend place dans des montagnes russes, les plages de douceur et même d'humour rivalisant constamment avec des situations et des images qui provoquent l'effroi.
Tout est donc fait pour nous déstabiliser, tester nos limites, jusque dans la durée ou la volonté de pousser jusqu'au grotesque certaines scènes. Je pense en particulier à un moment d'anthologie qui rappellera forcément le "Suspiria" de Guadagnino, mais sans l'affreux premier degré qui plombait celui-ci.
Comme tout film d'auteur, "Midsommar" ne se contente pas de nous balancer gratuitement du truc qui dérange, le sous-texte politique y est même omniprésent : dénonciation de l'extrémisme, de l'embrigadement idéologique, et aussi ce qui m'a le plus passionné, de la condition de la femme qui, méprisée et trahie, finira par devenir Reine et sourire sous un tapis de fleurs.
Reste maintenant à savoir comment vieillira ce film, si lors d'un second visionnage, forcément soulagé du choc de la découverte, la prétention (qui m'avait insupporté dans "Hérédité") artistique ne viendra pas recouvrir quelque peu le tour de force. Si ce n'est pas le cas, on pourra dire que ce garçon d'une trentaine d'années est juste un surdoué, et il rejoindra ainsi les autres cinéastes prétentieux et géniaux de l'histoire du cinéma.
Je vais cacher ce qui suit pour éviter de spoiler mais n'hésitez pas à laisser un commentaire à ce sujet, à me dire si vous aussi vous avez trouvé ce coup de bluff scénaristique assez révolutionnaire et incroyablement excitant a posteriori.
L'ouverture est un uppercut, mais on peut penser qu'on va droit vers un traditionnel film d'horreur où on évacue l'histoire de base pour mieux nous la resservir par petites touches au fur et à mesure du récit, et en faire le climax du film avec forcément twist et retwist. Mais non, Dani croisera bien sa mère en Suède lors d'une transe, mais ce sera tout. Et rien que pour cette audace et ce refus de la facilité, je tire mon chapeau au trèèèèèèèèèèèès malin Ari.
NB : Cet Objet Filmique Non Identifié pose la question du classement et donc de la distribution du film de genre. Pas de label Art et essai, à tort selon moi, il se retrouve donc dans des multiplexes. Résultat : lors de la séance à laquelle j'ai assisté, j'ai dénombré une vingtaine de personnes, 4 ont quitté la salle en cours de route. En effet compliqué de supporter un tel film quand un public est habitué au prémâché. Cas d'école pour sujet complexe et à mon avis passionnant.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces scènes qui m'obsèdent, Pour dire m.... au Top 10, Le Biactol, ça fait péter les neurones, Docteur Maboul et J'aime les bobos... Oups pardon les BO
Créée
le 1 août 2019
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