Au petit jeu de "je vais vous faire peur là où vous ne nous y attendez pas" Ari Aster est un malin. En racontant la virée de cinq étudiants en sociologie dans un petit village suédois, on aborde cette histoire sous des auspices on ne peut plus rassurants. En effet, quel pays plus inoffensif que la Suède d'Abba, des saunas et des biscottes Wasa ? Quelle période plus éloignée de la nuit,- royaume des sorcières, des fantômes et autres vampires- que l’été scandinave où le jour s’impose 22h sur 24 ? Enfin quel environnement humain moins menaçant qu’un village communautaire où les mots d’ordre sont respect et partage ? Un film d’horreur dans un décor ressemblant au paradis : le pari était osé. Il est en partie réussi.
On savait depuis Hérédité son précédent film, qu’Ari Aster est un artisan de la mise en scène, soignant aussi bien les décors, que la musique, le cadre que le montage. De ce point de vue, Midsommar ne déçoit pas. On est même captivé par sa capacité à faire monter la tension à force de petits détails en apparence insignifiants ou de plans ambigus. Ainsi, l’ambiance ciel bleu-fleurs jaunes vire petit à petit au saignant, les jeunes étudiants disparaissant les uns après les autres façon « dix petits nègres ». La topographie du village elle-même, génère à la longue une forme de malaise, l’espace ouvert du début se transformant peu à peu en un univers totalement clos et monstrueusement fermé sur lui-même. Ce travail sur l'espace, sur le décor, surligné par des choix musicaux magnétisants (la scène de la danse), participent de la réussite du film.
Mais il y a hélas un problème avec les personnages. Ari Aster nous invite à suivre une poignée d’étudiants américains en route pour la Suède. Soit. La focalisation s’effectue d’abord sur Dani, une jeune femme traumatisée par un drame familial particulièrement glauque. Mais par la suite, le réalisateur s’attache davantage à nous montrer son petit ami, Christian et puis, parallèlement, les trois autres copains d’aventure : Josh qui est le plus motivé par ce voyage d’étude, Pelle qui n’a rien d’un conquérant puisqu’il est chez lui dans ce village et dans une moindre mesure Mark dont on comprend assez vite que sa durée vie est proportionnellement inverse à l'importance de sa libido. Le problème, c’est qu’en passant ainsi d’un personnage à un autre, on finit par ne plus savoir auquel s’attacher principalement. C’est typiquement un problème de point de vue. (Alien de Ridley Scott est un bon exemple de point de vue réussi avec le personnage central de Ripley). Mais ici c’est compliqué. On s’attache à tous et finalement à personne. Les déboires de ce balourd de Christian laissent même dubitatif. Quant à la pauvre Dani, elle nous fatigue par trop de passivité et un manque flagrant de perspicacité. Bref, on ne frémit jamais vraiment pour eux et le contrat du film d’horreur n’est qu’à moitié rempli.
Brillamment réalisé donc mais émotionnellement frustrant.
Personnages/interprétation : 6/10
Histoire/scénario : 7/10
Réalisation/musique/décor : 8/10
7/10 +