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Dans le neuvième épisode de la cinquième saison de X-Files intitulé « Schizogeny » (« Schizogonie » en français), Fox Mulder entre dans la chambre d'un jeune homme où il aperçoit une affiche sur laquelle se trouve inscrite en allemand la phrase suivante : « Ich bin ein Ausländer » (ce qui se traduirait par : « Je suis un étranger »). Le personnage interprété par David Duchovny fait alors remarquer à l'adolescent le caractère à la fois parodique et mordant de cette assertion qui inverse le sens de la célèbre déclaration du président Kennedy à destination du peuple berlinois (« Ich bin ein Berliner ») voulant signifier : « Je suis des vôtres ». Le jeune homme répondra à l'agent du FBI en lui demandant mollement qui était Kennedy. C'est dans cette polarité entre appartenance et non-appartenance à une collectivité donnée que réside l'intrigue de Midsommar.


Le long-métrage d'Ari Aster aura compté (avec It follows) parmi les films d'épouvante les plus enthousiasmants livrés par le cinéma américain au cours de la dernière décennie. Sur le plan esthétique, Midsommar se prête à un défi : celui d'essayer de susciter l'effroi chez le spectateur en se privant de ces deux éléments anxiogènes surexploités par le genre horrifique que sont d'une part l'obscurité (entreprise déjà tentée par Kubrick) et d'autre part le lieu clos. Par sa volonté de transgresser les codes, le film du cinéaste américain se veut, en quelque sorte, un Shining au carré. Les amateurs de maisons hantées, lugubres et sombres repasseront. Ici, la peur se déploie non seulement en pleine lumière, mais aussi dans un espace ouvert.


Ari Aster cherche à provoquer le malaise chez son spectateur en s'appuyant d'abord, évidemment, sur l'étrangeté des situations montrées à l'écran, mais également sur l’extranéité des protagonistes que nous suivons vis-à-vis de la communauté à l'intérieur de laquelle ils sont introduits. Ainsi, l'angoisse provient du sentiment d'être extérieurs aux pratiques et croyances de cette assemblée dont le réalisateur fait de nous les témoins. Dans cette histoire, c'est nous qui sommes les étrangers, les aliens débarquant dans un monde inconnu.


L'inconfort éprouvé est d'autant plus accentué par les scènes qui dévoilent de la part de l'ensemble des festivaliers un fonctionnement social où le groupe prime sur l'individu. Nous voyons les rituels, d'insémination ou encore de suicide-euthanasie, être exécutés par divers adeptes devant leurs coreligionnaires. La vie de même que la mort se déroulent sous une surveillance générale exercée par tous. Ari Aster entraîne le spectateur au milieu d'un ailleurs inquiétant dans lequel l'affirmation de la singularité n'a plus de place.


Face à ce contexte, les attitudes des différents protagonistes divergent. Le personnage masculin principal commencera par adopter un comportement d'observateur désireux d'étudier la culture qui l'entoure tout en y demeurant à l'écart. L’héroïne du récit, quant à elle, passant du rejet à l'adhésion, accomplira au cours du film un véritable processus d'intégration à l'endroit de ce microcosme sectaire au sein duquel elle se situe. Midsommar questionne notre besoin de nous sentir appartenir pleinement à une collectivité composée de nos pairs.


Pour finir, nous pouvons ajouter qu'à l'instar de nombreux films comprenant une démarche expérimentale, celui d'Ari Aster n'est certes pas exempt d'imperfections. Néanmoins, c'est en s'autorisant à tâtonner que le cinéma peut s'acheminer vers un renouvellement nécessaire à sa vitalité.

TanNguyen1
7
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le 17 août 2020

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