Une plongée envoûtante et angoissante au cœur de la lumière

(7.5/10)

Réalisé par Ari Aster et sorti en 2019, Midsommar est un film d’horreur psychologique unique en son genre qui explore la détérioration émotionnelle, la perte et les dynamiques toxiques dans un cadre de terreur immersif et dérangeant. Après le succès de Hérédité (2018), Aster revient avec une œuvre encore plus visuellement saisissante, se déroulant cette fois dans les plaines ensoleillées de la Suède, où un groupe d’Américains se retrouve pris au piège d’un festival païen de plus en plus perturbant. Contrairement à la majorité des films d’horreur qui utilisent l’obscurité pour installer la peur, Midsommar parvient à créer une atmosphère oppressante dans la lumière éclatante du solstice d’été.


Midsommar est un film audacieux et hypnotisant, qui se démarque par sa direction artistique méticuleuse, ses performances impressionnantes, en particulier celle de Florence Pugh, et sa capacité à évoquer un malaise constant. Cependant, le film souffre parfois de longueurs et d’un rythme inégal, ce qui peut décourager certains spectateurs. Néanmoins, Midsommar reste une expérience cinématographique inoubliable qui bouscule les conventions du genre et propose une réflexion sur la douleur, la manipulation et le deuil.


Le film s’ouvre sur un drame personnel pour le personnage principal, Dani Ardor (Florence Pugh). Traumatisée par la mort brutale de sa famille — un meurtre-suicide perpétré par sa sœur — Dani est plongée dans une douleur insurmontable. Cette tragédie initiale établit un cadre émotionnel sombre, qui va servir de toile de fond à toute l’histoire. Dévastée et fragilisée, Dani est à la recherche de soutien, mais se retrouve coincée dans une relation toxique avec son petit ami Christian (Jack Reynor), un homme distant, passif et peu empathique.


Christian, déjà désintéressé par la relation, envisage de la quitter, mais la tragédie pousse le couple à rester ensemble par culpabilité plus que par amour. Lorsque Dani apprend que Christian et ses amis projettent de partir pour la Suède pour assister à un festival estival dans la communauté natale de leur ami Pelle, elle s’invite presque par désespoir, cherchant à échapper à son chagrin. Ce voyage devient alors le catalyseur de leur séparation inévitable, dans un environnement qui s’avère bien plus menaçant qu’il n’y paraît.


Le scénario de Midsommar se déroule presque entièrement en plein jour, dans un village suédois isolé où les rituels païens prennent rapidement une tournure de plus en plus sinistre. À travers une série d’épreuves et de cérémonies dérangeantes, Aster met en scène la décomposition de la relation entre Dani et Christian tout en explorant le thème de la perte d’identité. Le festival, qui devait être une expérience exotique et enrichissante, se transforme progressivement en un cauchemar hallucinatoire où la lumière aveuglante et l’omniprésence de la nature deviennent oppressantes.


L’une des forces principales de Midsommar réside dans sa direction artistique et sa photographie. Le film est une véritable symphonie visuelle : les champs verdoyants, les fleurs multicolores et les costumes traditionnels des villageois sont filmés avec une précision et une beauté qui contrastent brutalement avec l’horreur croissante qui se déroule. Le réalisateur joue habilement avec les attentes du public, utilisant des couleurs vives et une lumière éclatante pour instaurer une atmosphère de malaise. Chaque plan est soigneusement conçu pour immerger le spectateur dans cette communauté apparemment idyllique mais profondément inquiétante.


Les symboles païens et les motifs visuels récurrents, tels que les runes et les fresques murales, ne sont jamais explicites, mais renforcent subtilement l'idée que tout ce qui se passe est déjà prédéterminé. Le village d'Hårga semble figé dans le temps, et le spectateur, tout comme les protagonistes, se retrouve pris au piège dans ce cadre paradisiaque qui dissimule des rituels barbares. Aster utilise également des mouvements de caméra lents et hypnotiques pour amplifier le sentiment de dissociation et de confusion, plaçant le public dans un état d’étrangeté constant.


Le film est également rempli de métaphores visuelles. Par exemple, la nature omniprésente et envahissante reflète l’état mental de Dani, dont les émotions refoulées et la souffrance non exprimée finissent par exploser. La lumière du jour ininterrompue symbolise l’absence d’échappatoire : il n’y a aucun répit, aucune obscurité pour dissimuler l’horreur, tout est exposé, y compris les émotions brutes des personnages. Cette esthétique est à la fois fascinante et dérangeante, contribuant à faire de Midsommar une expérience à part.


Bien que Midsommar soit souvent présenté comme un film d’horreur, il est avant tout une histoire sur le deuil, la manipulation émotionnelle et la quête de libération. Dani, brisée par la perte de sa famille, trouve dans la communauté suédoise d’Hårga quelque chose qui lui manquait désespérément : un sentiment d’appartenance et de compréhension émotionnelle. Les rituels du village, bien que terrifiants et brutaux, sont imprégnés d’une certaine logique émotionnelle. La communauté partage la douleur, pleure et rit ensemble, créant une unité qui contraste fortement avec l’isolement émotionnel de Dani dans sa relation avec Christian.


Le film prend alors la forme d’un récit initiatique pour Dani. Ce qui commence comme une tentative d’échapper à son chagrin se transforme en un processus de transformation et de renaissance. La scène finale, où Dani, parée en "Reine de Mai", regarde Christian brûler dans un sacrifice rituel, est à la fois cathartique et troublante. C’est un moment où elle accepte enfin ses émotions et se libère de la relation toxique, tout en plongeant dans une folie qui l’unit à la communauté.


La dernière image de Dani souriant, alors que tout ce qu’elle a connu a été consumé par les flammes, est ambiguë et dérangeante. C’est une victoire personnelle et une défaite morale : Dani trouve enfin un foyer et une famille, mais cela se fait au prix de sa propre humanité.


Malgré ses qualités indéniables, Midsommar n’est pas exempt de défauts. L’un des principaux reproches qui lui est fait est son rythme inégal et sa durée excessive. Avec ses 2h30, le film prend son temps pour installer l’atmosphère et construire lentement la tension. Si cela permet une immersion totale, certains spectateurs pourraient trouver que le film s'étire inutilement, notamment dans sa deuxième moitié, où les scènes de rituels se succèdent et perdent parfois de leur impact.


Le développement des personnages secondaires est également limité. Les amis de Christian, qui l’accompagnent dans ce voyage, sont principalement des figures symboliques destinées à subir le sort cruel réservé aux étrangers. Leur manque de profondeur rend certaines de leurs décisions peu crédibles, et leurs disparitions successives, bien que graphiquement marquantes, manquent d’un véritable poids émotionnel.


Enfin, l’approche narrative d’Aster, avec ses nombreux indices visuels et métaphores, peut sembler trop obscure ou prétentieuse pour certains. Le film demande une attention constante aux détails, et l’absence d’explications explicites peut laisser une impression d’incomplétude ou de confusion.


Midsommar est un film d’horreur atypique et visuellement splendide qui sort des sentiers battus. En s’attaquant à des thèmes complexes comme le deuil, la manipulation et la recherche d’identité, Ari Aster propose une œuvre troublante et fascinante, où la lumière diurne devient source de terreur. Bien que son rythme lent et sa durée puissent rebuter certains spectateurs, Midsommar reste une expérience cinématographique unique qui s’ancre dans l’esprit bien après le générique de fin.


C’est un film qui défie les attentes et brouille les frontières entre horreur, drame psychologique et étude de caractère. Pour ceux qui cherchent un film d’horreur plus réfléchi, Midsommar offre un voyage captivant, à la fois terrifiant et étrangement libérateur.

CinephageAiguise
7

Créée

il y a 4 heures

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