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Quand le monde moderne se consume ?

Une réflexion parmi d'autres (avec spoilers, j'préviens)…


Il m'avait été impossible de sortir indemne du visionnage de Hérédité, le premier film de Ari Aster (2018). Impossible d'oublier ce profond malaise, ce frisson glacial permanent, cette impression de vertige qui grandit à mesure que le drame familial s'assombrit. Un film signé d'une main de maître : Aster, ce nouveau magicien de l'horreur, qui inonde sa première réalisation d'une pure magie - noire, de celle qui vous hante à jamais - et d'une mise en scène implacable, subtile, épurée dans son extravagance ; ce prodige qui délivre, à la fin de son œuvre, une image sublime et impérissable : une étrange lueur dans l'ombre. Cette lumière incarnée, à la fois malfaisante et bienfaitrice, mêlée à la pire des horreurs.


Extase...


Joie dans les ténèbres.


Il m'a fallu cinq ans pour enfin poursuivre la filmographie de Ari Aster, ayant eu trop d'appréhension à l'idée de retrouver cette terrible sensation. Puis je me décidais, au hasard d'une soirée hivernale...


Il serait presque inutile de raconter ici l'histoire de ces jeunes occidentaux qui, prisonniers dans leur propre individualité, sont invités par leur ami suédois à participer aux célébrations traditionnelles de la communauté des Hårga, en plein cœur de la Suède. Un évènement unique, qui ne se reproduit qu'une fois par siècle, durant le solstice d'été… là où les jours sont les plus longs.


Voilà l'une des meilleures idées de ce film : il ne fait presque jamais nuit…


Midsommar est avant toute chose un petit bijou de réalisation, un formidable travail d'équipe qui lègue une œuvre riche et foisonnante. Des sensations, des formes et autres représentations terriblement efficaces, mémorables, uniques : une lumière d'une beauté surnaturelle… une fresque prophétique… un langage presque insaisissable… un esprit qui chavire… un souffle transmis d'un corps à l'autre… un visage dissimulé dans les arbres… une danse éternelle.


Pourtant, peut-on dire que Midsommar est un film d'horreur à part entière ?


Pour ma part, les terribles évènements auxquels sont confrontés les personnages ne sont horrifiques que parce-qu'on les considère comme tels. Certes, on serait tout de même tenté de qualifier les rituels de cette communauté comme étant barbares, cruels, voire rétrogrades et sectaires. Oui, oui, on aurait raison… D'un certain point de vue.


Car le film est basé sur un principe brillant : celui de l'identification, presque absolue, envers Dani - interprétée par la formidable Florence Pugh. Dani est en fait un réceptacle, le vaisseau émotionnel dans lequel embarque entièrement le spectateur. Ce personnage qui, déjà énoncé mille fois comme tel, sort tout droit d'un conte de fées pour adultes. Car c'est là le véritable sujet de Midsommar, celui d'un récit initiatique : d'une jeune fille perdue, elle devient Reine ; d'une orpheline en rupture amoureuse désavouée, elle découvre malgré elle une nouvelle famille chez les Hårga.


Au delà de cette représentation, on se rend compte que Dani est en réalité une véritable figure féministe, seule survivante d'un châtiment perpétré à ceux qui ne sont pas "dignes". Qui sont-ils ? Un couple résolument fermé dans leurs convictions, ainsi que tout le reste des protagonistes masculins : un écervelé qui finira bouffon, un étudiant trop sûr de lui qui enfreint les règles, un petit ami distant et infidèle (oui, j'en suis certain).


En fin de compte, qu'est-ce qui fait "société" ?


Le monde auquel appartiennent les personnages - et de fait, le notre - se confronte à celui des Hårga, avec leurs coutumes étranges, violentes, déroutantes. Et pourtant... quelque part fascinantes, idylliques. Leur esprit communautaire, proche de la nature, à la présence immaculée, à la conscience transcendantale. Une capacité à faire harmonie, non seulement dans leurs actes - parfois chantés, en ultime symbiose - mais également au moment où surgissent les plus fortes émotions (je pense à cette scène monumentale, presque insupportable mais magnifique, entre la nouvelle Reine élue et ses adeptes).


Il y aurait tant à dire... Sur cette attraction-répulsion qui nous plonge dans une confusion totale.


Tout porte à croire que Midsommar est finalement une fable comme celles des anciens temps, destinées à nous questionner sur la nature de notre environnement et notre rapport aux autres. Une de celles qui laissent le spectateur véritablement perplexe, à l'instar de cette scène finale, une nouvelle fois des plus marquantes.


Majestueuse apothéose wagnérienne…


Triomphe de l'unité.


Que vaut-elle ? Et à quel prix ?

« [...] I need to be cryptic again » affirmait le réalisateur lors d'une projection.

Car tout bon artiste le sait : un magicien ne dévoile jamais ses tours.

Pooneil
10
Écrit par

Créée

le 12 janv. 2025

Critique lue 6 fois

Pooneil

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