Voir La Bataille de Midway a mieux détaillé ce qui ne m'avait pas plu avec la version 2019 : l'immersion du film de 76, en comparaison de la qualité des effets spéciaux de cette mise à jour façon Pearl Harbor de Bay, surpasse rien que par ses images d'archives le prétendu réalisme de ces combats aériens si fluides et explosifs qu'on les considère rapidement comme issus d'une cinématique de jeu-vidéo, à la Call of Duty : World at War s'il avait été remastered.
Presque parfait dans la mise au point de ses CGI, Midway profite évidemment de son gros budget pour en mettre plein la vue : explosions qui occupent la moitié de l'écran pendant la moitié du film, avions qui tapent des loopings et foncent vers le spectateur, caméra embarquée de côté suivant la trajectoire de ces as de l'aviation au courage indomptable. Certes impressionnant sur ce point là, le nouveau film de Roland Emmerich fait ce pour quoi il était attendu : il vend du spectaculaire, et le fait avec un sens de la disproportion que le réalisateur a, de toute évidence, hérité d'un mentor qui n'a jamais fait l'unanimité, Michael Bay.
C'est qu'on rencontre rapidement le défaut de la plupart des films basant presque uniquement leur particularité sur la qualité et la grande présence de leurs effets numériques : regarder une cinématique de jeu-vidéo n'ayant jamais été l'idée qu'on se fait de l’extase (à part pour certains jeux extraordinaires), Midway se retrouve rapidement vidé de toute substance; sans profondeur visuelle ni authentiques plans renversants tournés en prise de vue réelle, la sensation de ne suivre qu'une longue prouesse technique l'emporte sur l'idée de base, suivre un film de guerre dramatique aux conséquences fortes sur la vie de ses personnages.
Privé de tout enjeu à la manière des FPS qu'il reproduit sur grand écran, Midway oscille pendant 2 longues heures et 20 minutes inutiles (au moins) entre combats ultra-spectaculaires et parlote superflue; quitte à se la jouer bourrin, n'aurait-il pas mieux valu oublier toute cette partie rallongée à la souffrance de l'ennui qu'il nous présente comme sa façon de développer dignement ses personnages? Et c'est à l'identique de La Bataille de Midway qu'il les rate, encore qu'il abandonne les stratégies de l'armée pour se concentrer sur ces hommes et femmes qui ont fait l'histoire.
Cela, il le fait sans jamais sortir des clichés : ses personnages, tous plus américains les uns que les autres (c'en est ridicule, cette rigidité inventée par le cinéma; les mecs étaient débraillés, sans manière, et c'est pour cela qu'ils avaient la classe typiquement américaine), s'empêtrent dans des saluts militaires forcés et des phrases glorieuses ridicules (avec une variante toujours hilarante du "On va les buter ces enculés").
A l'instar de son prédécesseur, il ne rend ses protagonistes attachants que parce qu'ils sont campés par un casting de gueules connues (les stars du cinéma classique ont laissé leur place à des seconds couteaux marquants du 7ème art des années 2010) : Woody Harrelson en tête d'affiche (pas spécialement bien employé non plus), ainsi qu' Ed Skrein et Luke Evans, qui ont écopé de plus de relief que leurs camarades Patrick Wilson, Dennis Quaid, Aaron Eckhart et Alexander Ludwig, perdu dans des flammes en fond vert qualité X-Box 360. Une belle brochette de belles gueules utilisée n'importe comment, jusqu'à limiter Dennis Quaid à la figuration, et Ludwig et Eckhart en rôles tertiaires pas bien marquants.
Comment s'attacher, donc, à sa vision de la guerre désirée à échelle humaine s'il ne prend jamais le temps de développer convenablement les personnages qui la font, et propose un spectacle irréaliste, bourré de moments de bravoure forcés qui témoignent de sa volonté de réécrire l'histoire en rendant ses affrontements dignes d'un Star Wars (ou de n'importe quel film de *Space Oper*a avec des combats spatiaux à grande échelle)?
C'est toute l'immersion attendue qui s'en trouve bouleversée : plutôt que d'être sidéré par le réalisme de la guerre et la puissance des affrontements, on ne pensera plus qu'à la qualité des effets spéciaux (encore que certains sont bien en deçà du niveau général; l'attaque de Pearl Harbor, par exemple, paraît datée des années 2000) et aux prochaines séquences spectaculaires à venir; l'attente des nouvelles techniques de mise en scène permises par le presque tout CGI intéresse plus que les tentatives d'enjeux conduits par les sacrifices et les vies risquées (ce que Man of Steel évitait).
C'est comme si Pacific Rim avait rencontré Pearl Harbor, le bordel du montage de Transformers en plus.