Les cinémas d'animations sont née (pour la plus part) sous l'influence de ses prédécesseurs. A l'image de DreamWorks ou BlueSky qui est née sous l'influence de Disney, le studio Illumination est née sous l'influence des films DreamWorks et plus particulièrement BlueSky, dont un de ses producteurs phare, Chris Meledandri, est le fondateur même d'Illumination Studio. Pourtant, Illumination faisait office de vilain petit canard dans le paysage du cinéma d'animation américain qui, malgré le succès de la saga moi moche et méchant qui convainc encore aujourd'hui le public avec une certaine réticence, à l'image de l'accueil parfois tiède que peuvent recevoir le deuxième volet du spin off centré sur les Minions. Malgré tout, il y avait un savoir faire des moyens indéniables qui étaient mis sur la table à chaque film, il ne manquait plus que la bonne occasion de mettre en valeur se savoir faire aux yeux du grand public, et cette occasion viendra en 2023 avec une collaboration avec Nintendo. Il ne manquerait plus qu'un film plus pointu par un auteur confirmé pour possiblement se démarquer... oh tiens un canard. Un projet porté par un poids lourd de l'animation française, l'un des plus récompensés aux Césars dans la catégorie et réalisateurs de très bons films d'animation 2D, c'est le réalisateur idéal pour Illumination pour se démarcher, mais est ce que ça a marché ?
Le retour de Benjamin Renner était attendu, et on est loin d'être déçu. Plus qu'être magnifique et un véritable plaisir à voir, le film est surtout intelligent et bien pensé. A une période où l'on court tous vers une animation trans-média, entre l'animation 3D et 2D qui bientôt va se voir agrémenter de techniques plus pointu et/ou ancienne (à l'image de l'évolution de la saga Trolls dont le 3e volet s'affranchit carrément du scénario pour se concentrer dans une performance artistique), il est intéressant de voir des films d'animation assumer une animation 3D en l'exploitant à son plein potentiel. On a une multitude de paysages variés permettant de mettre en avant toutes les couleurs de l'univers (tout en coupant le souffle à chaque nouvel endroit), ainsi qu'un travaille appuyé sur les textures, mais on a surtout tout une appropriation des techniques 3D pour affirmer une certaine manière de penser l'animation. Il ne sera pas rare d'avoir des jeux de mises en scènes en deux dimensions, où l'action en arrière plan est amené à se marier avec l'action au premier plan pour créer du comique de situation, ou bien pour travailler l'expression des personnages pour se rapprocher à quelque chose de presque dessiné à la manière des personnages dans son précédent films. Benjamin Renner dépasse les contraintes liés à la 3D et vient imposer son style par delà la trois dimension, et il le fait admirablement bien.
On pouvait craindre un film qui risquait d'avoir une écriture moins riche et intéressante en arrivant dans un studio américain important, mais force est de constaté que c'est tout le contraire ou presque (on y reviendra après). Le film mettant en scène des canards, il était évidents que l'on retrouverait des références à d'autres films mettant en scène des canards, comme Looney Tunes Back in Action et sa scène où Daffy arrête un laser en le retenant dans son bec. Cependant, il vient aussi des références qui peuvent surprendre au premier abord, surtout vu la manière dont ces références sont soutenu, car on voit difficilement le lien aujourd'hui. Comme dit précédemment, le studio Illumination est née sous l'influence des studios de la génération post Toy Story, et plus précisément sous l'influence du studio BlueSky. Il est alors peu (voire pas) étonnant de voir des hommages à la maison de Shrek, un final qui a tout pour faire un clin d’œil aux fin des différents volet de la franchise Rio, ou même tout un questionnement queer, propre aux studio BlueSky, avec le personnage de l'oncle Dan. Le film devient alors un doux bonbon nostalgique, où on aime revoir une certaine manière de réaliser les films d'animations qu'avaient une branche du cinéma américain qui se voulaient comme une alternative aux studio Disney. Le film est fort, prenant, aux personnages attachants (mention spéciale à Pio Marmaï en VF qui s'amuse comme c'est pas permis, prouve qu'il arrive à être un très bon comédien de doublage après son passage chez Pixar, et arrive à faire oublier la VF prévisionnel de la première bande annonce, campé par le grand Guillaume Lebon), et on ne s'ennuie pas une seul seconde tant tout respire d'une joie de vivre communicative. J'émets toute fois des réticences et une retenu quant à l'écriture car, paradoxalement, c'est en se mettant en parallèle de ses prédécesseurs que le film met en avant ses limites.
J'évoquais la volonté du film de marcher dans le pas des studios qui lui ont précédés, à travers des citations, mais cela va aussi jusque dans la construction narrative qui rappelle le scénario de ces films. On a évidemment la mise en avant de personnages non normés (aux travers de canards qui font la migration mais vont dans le mauvais sens), mais aussi tout une question à l'ouverture au monde et à l'appréciation d'un parcours hors des sentiers battus. On est alors déçu de voir que le film n'arrive pas à proposer plus que ce que ses prédécesseurs ont déjà fait, quand il ne s'agit pas d'être en retard. Que ce soit la famille quittant leurs maison pour l'aventure (où le film se veut comme un condensé des Croods 1 et 2 avec moins de pertinence, alors que le film cite la franchise dès sa scène d'ouverture) ou même la question de renouer avec ses origines (où le film se veut comme un Rio), le souffre de ne pas être pleinement à la hauteur des films qu'il convoque. La raison est que le film semble suivre une suite de scène type et de situations qui amèneront à une scène finale satisfaisante, mais qu'il n'y a pas de réel cohérence ni même de propos pour diriger l'ensemble. Si les personnages évoluent, ils n'évoluent pas à travers un parcours propre à un discours particulier, ou même à une quête particulière. S'il y a bien la volonté d'aller en Jamaïque, on n'aura pas de marqueurs spatiaux pour nous repérer sur la bonne direction prendre, ni même de facteurs temporels obligeant la famille Colvert à se dépêcher. On assiste alors à une série de scènes, un peu à la manière d'un conte (comme introduit en scène d'ouverture), mais sans les codes ou même la logique qui rendrait l'histoire cohérente. On a la scène où le père se rend compte qu'il faut voir le monde, la scène de danse (dans un restaurant rendant hommage discret aux Bad Guys et à sa scène de gala), on a la scène où la famille se dispute... le film suit un schéma assez classique mais sans qu'il n'y ait de propos pour donner un intérêt à ce classicisme, apportant un léger sentiment de déjà-vu. Cela en desserts les bonnes idées que l'on peut trouver, que ce soit la comparaison entre la famille Colvert et la famille arrivant dans le marais, avec une confrontation possible entre voyage conventionnel et hors des clous (ne fonctionnant pas car on ne suis pas la famille de canards bleu), ou encore l'arrivé dans une secte (amenant un "doux" hommage à Ferdinand) qui aura du mal à nous intéresser outre mesure. Mais plus que le récit même, qui est assez anecdotique par rapport à la qualité de l'ensemble, c'est surtout un soucis de ton et de crédibilité qui peut déranger. A plusieurs moments dans le film, on a la présence d'antagonistes qui peuvent (ou non) évoluer pour ensuite être des éléments moteurs du récits. Permis eux il y a la présence d'un chef cuisinier façon chad de la cuisine moderne, concrètement le chef cuisinier avec une très grosse estime de lui même et qui finira par se faire ridiculiser (soit par coup du sort soit par un regard extérieur beaucoup plus ancré dans le réel). Ce personnage apporte une quête à accomplir qui permettra aux personnages de trouver la Jamaïque, ainsi qu'un dynamisme nouveau qui permet au film de re-capter l'attention après de longues séquences dont on voyait de moins en moins bien l'intérêt. Si ce personnage amène de la clarté dans un récit qui se perd par moment, le problème est qu'il le fait avec un très gros manque de finesse, dans un univers qui se voulait réaliste et épuré. On retrouve une forme d'humour et d'esprit cartoonesque comme ce qu'on peut retrouver dans des films comme Minion 2 avec des hélicoptères, mais cela manque d'harmonie et de finesse dans un film qui, même s'il est parfois maladroit, n'en manque pas.
Migration n'en reste pas moins un très bon film, aux propositions fortes, à la créativité bouillonnante, et à la générosité indéniable. Si ce n'est pas le film le plus harmonieux du studio, il n'en reste pas moins l'un des plus aboutis.
15,25/20
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