Avec son récit chapitré, Milla se regarde comme on lit un (très) bon bouquin. Il faut un peu de temps pour rentrer dans l’histoire et se familiariser avec les personnages, mais quand tout est bien mis en place, c’est comme si on faisait partie du décor. La réalisatrice parvient à créer une proximité quasi miraculeuse entre son spectateur et ses personnages complexes, parfois malaimables, dont on découvre progressivement les failles, les traumas et dont on devine au fil des chapitres les causes de leurs disfonctionnements
En un mot, on s’attache.
En fil rouge, une très belle histoire d’amour qui au départ a pourtant tout du tire-larmes putassier, la rencontre entre une jeune fille cancéreuse et un junkie SDF. Et pourtant… Sans misérabilisme ni angélisme, mais avec un sens aigu de la mise en scène, la réalisatrice nous happe et nous conduit avec une infinie délicatesse jusqu’à son final déchirant et lumineux.
Elle ponctue son histoire de moments suspendus, en fait surgir des tableaux magnifiques éclairés par les rayons du soleil le jour et des néons multicolores la nuit. Une superbe scène de fête entêtante jouera un rôle pivot dans le récit alors qu’il sera clos par une scène magnifique sur la plage.
Shannon Murphy place sa caméra à distance, elle prend de la hauteur comme pour renforcer la pudeur avec laquelle elle traite la maladie de Milla, toujours présente mais jamais le sujet premier du film. Il faut également reconnaitre que la réalisatrice peut compter sur des comédiens de grand talent, dont Eliza Scanlen qui insuffle merveilleusement toute sa fragilité et son opiniâtreté à Milla. C’est vraiment une actrice spéciale, qui ne ressemble à aucune autre. Une perle dont la singularité nous épatait déjà dans la série Sharp Objects ou l’excellent Filles du Docteur March.
Avec Milla, elle n’est pas étrangère au fait qu’on finisse le film les larmes aux yeux (aux joues même) et un léger sourire aux lèvres.