Millennium Actress, deuxième film de Satoshi Kon, est le pendant lumineux de son prédécesseur, Perfect Blue. Alors que la jeune et belle Mima était perdue dans les méandres tortueux de son esprit ne sachant plus qui elle était vraiment, la vieille et solitaire Chiyoko Fujiwara relate des souvenirs enfouis dans un passé lointain pour faire resurgir l’énigme amoureuse de toute une vie. Un jour d’hiver, en pleine neige, alors qu’elle était jeune, elle rencontra cet homme qui lui fit promettre de garder une mystérieuse clé jusqu’à son retour. Depuis elle ne cessa de penser à lui. On suit alors une interview entre une ancienne star du cinéma et deux journalistes, qui va se transformer en une épopée épique au cœur de l’histoire du Japon et de l’évolution même des genres cinématographiques nippons. Le noyau dur de ce récit s’avère être le parcours de cette femme au fil des années, décrivant sa vie privée et sa carrière d’actrice. Satoshi Kon renouvelle cette idée narrative de faire dialoguer la confusion des personnalités, cette non distinction du rêve et de la réalité, faisant s’incruster le réel dans l’imaginaire, comme si les deux journalistes étaient les premiers spectateurs et acteurs du film en lui-même. A certains moments, on ne sait plus qui parle, le personnage de fiction récitant son texte ou est-ce la femme cherchant éperdument à retrouver l’amour de sa vie ? Mais alors que Perfect Blue était tortueux à en perdre raison, Millennium Actress se montre moins volatil et plus ludique. Sans que cela soit répétitif, grâce à une écriture drôle, ambitieuse et parfaitement rythmée, le film nous projette de plateau de tournages (film de sabre) en plateau de tournages (film de SF), d’époques en époques, faisant évoluer perpétuellement le récit. Chaque saynète, chaque vignette contient ses propres mystères et émotions. Satoshi Kon prouve alors son talent indescriptible de narrateur, nous faisant profiter d’un montage assourdissant de virtuosité. Comme dans Perfect Blue, Satoshi Kon porte un regard sur l’univers du spectacle, parfois malveillant, comme cette jalousie et connivence entre actrices qui aura des répercussions grandissantes. Cette thématique de la relation entre un fan et une célébrité est aussi au cœur du sujet mais cette fois ci, est pensée de manière bienveillante. Dans Millennium Actress, le fan invétéré n’est plus horrifique et pervers, il est simplement protecteur, une sorte de chevalier servant qui n’a qu’un seul but, faire briller les yeux de sa princesse. Le cinéma est le premier vecteur de nos souvenirs, il nous permet de continuer à croire en nos combats et en nos espérances les plus folles, changeant de visage sans le dévoiler vraiment, permettant alors l’entremêlement des sens pour faire perdurer le plus pur des sentiments. Et Satoshi Kon nous le rend bien.