Miller's Crossing est l’un des premiers films des frères Coen, époque où seul l’aîné, Joel, était crédité à la réalisation. S’entourant d’une partie de l’équipe qui avait participé à leurs deux premiers films Sang pour sang et Arizona junior avec Carter Burwell à la musique et Barry Sonnenfeld à la photographie, les Coen signent le scénario et la réalisation de l’un des meilleurs films de gangsters du cinéma.


Leo règne en maître sur les activités clandestines de sa ville. Malgré les conseils de son ami et bras droit Tom Reagan, le chef mafieux décide de protéger un petit truand du nom de Bernie d’un autre mafieux, Johnny Caspar. Bernie doit cette faveur à sa sœur, Verna, la fiancée de Leo. Johnny Caspar est cependant prêt à tout pour abattre Bernie, quitte à déclencher une guerre des gangs.


Le scénario a presque des allures de tragédie grecque où coucheries et luttes de pouvoir débouchent sur un imbroglio où personne n’est sûr d’en réchapper. La construction du récit s’articule de manière complexe et intelligente autour du personnage de Tom et s’ancre dans les années 20, période de la prohibition.


Nichée au sein du milieu urbain du film, une scène tire son épingle du jeu. Il s’agit de celle où Tom doit exécuter Bernie dans une forêt de pins. Les deux minutes de la scène apparaissent, par un excellent travelling, comme une pénible marche mortuaire où Bernie invective Tom en le suppliant de l’épargner. Le contraste entre un Bernie, interprété par un John Turturro exalté, au bord de la crise de nerfs et un Tom stoïque est saisissant.


L’art du casting est une force constante du cinéma des Coen. Miller's Crossing n’est pas en reste. On retrouve cette incroyable capacité à caricaturer les personnages dès la scène d’ouverture où l’on découvre quatre des principaux protagonistes : Johny Caspar (Jon Polito), une boule de nerf avide de pouvoir au physique ingrat et à la petite moustache risible, faisant face à Leo (Albert Finney), caïd sûr de sa force et accompagné de son conseiller Tom (Gabriel Byrne) en arrière-plan, attentif et calculateur. L’homme de main de Johny, Eddie le Danois (J.E. Freeman), complète le tableau avec sa carrure imposante et sa dangerosité que l’on ne peut éluder.


Film noir aux accents de gangster, le troisième long métrage des frères Coen possède une pointe de mélancolie avec ce jeu de chapeaux s’envolant. Miller's Crossing fut un terrible naufrage au box-office, ne rapportant que 5 millions sur les 14 dépensés. La reconnaissance vint toutefois avec le temps. A découvrir de toute urgence.

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le 11 sept. 2017

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Vincent-Ruozzi

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