Une comédie soviétique ? Par Georgi Daneliya ? Chic alors ! Auteur (entre autres), de Kin-Dza-Dza, et de Un marathon en Automne, il définit son style de films comme des "comédies tristes". Mimino le film ne déroge pas à la règle.
Mimino le personnage, le bien nommé (son surnom signifiie "faucon" en Géorgien), est pilote d'hélicoptères sur une ligne secondaire, desservant de petits villages reculés des montagnes caucasiennes. Il s'y ennuie ferme. Il sollicite alors une mutation sur des vols internationaux, à bord d'un Toupolev supersonique dernier cri. Pour cela, il doit se rendre au bureau de l'aviation, à Moscou ...
Cette toile est d'abord l'histoire du déracinement des campagnards, jetés de leur tranquilité bucolique dans la ferveur des villes. Valentin Konstantinovitch se perd, se heurte à l'antipathie des citadins. Daneliya illustre le mépris des habitants de la capitale à l'encontre des "provinciaux" par cette aventure de son héros : ayant rencontré une charmante hôtesse de l'air à l'aéroport de Tbilissi, et sachant qu'elle croise à Moscou, il cherche à la joindre. Celle-ci lui feint d'accepter son invitation à dîner, et lui pose un lapin mémorable.
C'est aussi le récit de la misère au temps de l'U.R.S.S. Misère physique bien sûr, avec des soviétiques manquant de tout (chapeaux, nourriture, tables d'école ...). Où il faut ruser pour obtenir une chambre d'hôtel. Où le marché noir fleurit (un des ressorts comiques les plus réussis du film). Misère intellectuelle et culturelle aussi. Une des premières scènes du film, est la projection d'un film (indien ?), manifestement un navet sans nom, et dont Mimino interrompt bien vite la diffusion. On notera au passage les regards émerveillés des villageois devant un spectacle que l'on devine rare (témoin la projection à ciel ouvert, sur du matériel de fortune). Misère aussi d'un peuple intégré dans le creuset bolchevik au mépris de ses spécificités historique
C'est aussi le témoignage d'une certaine solidarité entre les citoyens soviétiques, illustrée par l'amitié en Mimino le pilote géorgien, et Khachikyan le conducteur de poids-lourds arménien. Des citoyens pas plus à leur aise à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union. Ainsi, Mimino, en escale à Berlin, demandant une communication pour Telavi, sa ville natale, joint un correspondant à Tel-Aviv !
Le réalisateur film le tout avec beaucoup de tendresse. Il s'attarde sur les petits détails, dans une oeuvre très fouillée. Il trace un portrait délicat, un peu nostalgique de ses personnages. Portant un regard triste et désabusé sur la situation soviétique, il n'en écrit pas moins un film très drôle, et très touchant, envolée parfois lyrique de péripéties picaresques. Avec un Vakhtang Kikabidze exceptionnel en pilote un peu bourru, mais sympathique. Une jolie perle caucasienne, fort cocasse.
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