La série Minuscule de Thomas Szabo et Hélène Giraud a été exportée dans plus de 70 pays. Huit ans après son lancement, elle se décline en long-métrage avec cette Vallée des fourmis perdues. Le film raconte la lutte des fourmis rouges contre les fourmis noires, autour d’une citadelle assiégée. Les fourmis rouges sont les attaquantes, menées par un maréchal impitoyable, à la tête cependant d’une armée de froussardes. Les noires sont les gentilles résistantes, auxquelles une star de la série, la coccinelle, vient prêter main forte.
Tout le potentiel de la série, perpétuellement contenu, réprimé, tend ici à s’épanouir librement ! Grâce au format long, les blocages sautent. Les auteurs se permettent de développer une intrigue ambitieuse, de vrais enjeux, tout ce qui manquait et aurait pu suffire à faire de la série un enchantement : car pour cela, le casting et le visuel sont déjà au point. Le mélange de prises de vues naturelles et d’animation 3D est toujours au rendez-vous, avec une plus grande variété de paysages et un élément exulté qui n’avait jamais tant occupé l’espace : le ciel.
Les plans généraux se multiplient avec bonheur. La Vallée des Fourmies Perdues entre directement dans la liste des plus beaux dessin animé français, car à son esthétique intrinsèque s’ajoute une technique irréprochable. Le muet, sérieuse barrière, permet au contraire à Szabo, Giraud et leur équipe de laisser de côté tous les passages obligés plombants ou grossiers de l’animation, pour ne pas dire du cinéma tout court. Ils ont cette fois le rythme et les personnages pour eux, aspects là encore prompts à faire défaut dans la série.
Certaines créatures de la série, comme la petite araignée noire, font leur caméo ; la grande orange également, l’air toujours aussi crétin, dont les toiles sont systématiquement défoncées. Délaissant les aspirations à la morale, Minuscule se donne comme une expérience totalement ludique, laissant les lois des animaux et de la Nature faire leur œuvre, alternant l’action et la contemplation. Minuscule tient du reportage déjanté plus que de l’anthropomorphisme. Pas de sens caché, de retournements improbables ou de happy end forcés, mais un plaisir de chaque instants, simple et gigantesque.
Et accessoirement, une autre voie dans le domaine de l’animation, sans synthèse, sans prendre les enfants pour des abrutis, sans complaisance pour des dessins approximatifs sous prétexte de conserver un esprit d’origine. Minuscule sera désormais un pilier et une référence dans l’animation française. Des défauts restent (le film pourrait être plus profond, les personnages plus intelligents), la satisfaction d’un spectacle aussi limpide et abouti l’emporte sur tout. À certains moments, c’est la notion d’harmonie illustrée, comme Wall-E y parvenait dans son registre.
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