Revisionnage. Hélas pas plus concluant que mon premier il y a six ou sept ans…
Rageant tout de même de se dire que Clouzot et Jouvet avaient d’abord en tête d’adapter le Chambre obscure de Nabokov, mais que le producteur de Manon – qui tenait Clouzot par contrat –, d’abord partant, s’est finalement dégonflé (parce que projet trop sombre blabla) et a préféré voir ces deux poids lourds s’embarquer dans une adaptation – la troisième – d’un vaudeville à succès. On comprend bien le point de vue du producteur, comme on saisit aisément ce qui a pu plaire à l’homme de théâtre Jouvet dans ce Miquette (la perspective de cabotiner sans vergogne dans un rôle de directeur de troupe de théâtre), mais difficile en revanche de mettre le doigt sur ce qui a pu pousser Clouzot à jeter son dévolu sur ce projet plutôt que sur un autre. Parce que, très franchement, le bonhomme y gâche son talent.
Sans être honteux, ce Miquette et sa mère est en effet si léger et si gai – voire niais par moments – que l’on peine à y retrouver la patte de Clouzot, lui le maître du suspense et de la noirceur. On cherche en vain derrière les gags de Bourvil tombant sur les fesses ou de Saturnin Fabre se faisant tirer sur les siennes le regard d’habitude si cruel du maestro. Même armé de la meilleure volonté du monde, je sèche. Dans quel état d’esprit pouvait-il bien se trouver pendant ce tournage ? Je l’ignore. Mais je me félicite en revanche qu’il soit revenu dès son film suivant – Le Salaire de la peur – à ses marottes habituelles. Parce que si je n’ai, dans l’absolu, rien contre les vaudevilles, leurs chassés-croisés amoureux, leur quiproquos et leurs gags burlesques (en béotien de compèt que je suis en la matière, je me suis pissé dessus devant toutes les représentations de Feydeau que j’ai vues), là c’est quand même pas ultra drôle… Autant Jouvet et Fabre – tous deux en mode cabotinage éhonté – m’ont arraché deux trois sourires chacun, autant Bourvil est absolument insupportable en benêt complet, une partition lourdingue au possible.
A titre de comparaison, je rigole quinze fois plus devant les deux enquêtes de Wens et Mila du même Clouzot. Là c’est quand même assez laborieux et ça traîne du coup pas mal en longueur. La dernière demi-heure est à ce titre assez interminable (même si elle comporte paradoxalement la scène la plus drôle du film, à savoir celle de la succession d’impros à propos de la lettre que chacun refile à son voisin).
Après, y’a tout de même deux trois idées et éléments intéressants, de-ci de-là. On sent notamment que le film s’amuse de son statut d’adaptation de pièce de théâtre, avec tous ces apartés et regards caméra, puis plus tard avec la mise en abyme du dernier acte (c’est le cas de le dire) puis avec le tout dernier plan du film. Mais bon, tout ça est assez léger et ne suffit pas à tromper l’ennui poli que m’inspire le film.
Bref. Un Clouzot mineur. Concrètement, le seul de sa filmo que je trouve sans intérêt. A retenter dans dix ans… qui sait.