Voici un film qui nous vient d'Italie, par le réalisateur du célèbre et sulfureux « Caligula ». Sur fond de Guerre mondiale, « Miranda » nous conte les aventures coquines et dramatiques d'une plantureuse femme mûre indécise quant au choix de son futur mari. Étreintes voluptueuses et intrigues libertines sont au programme.
Pour ce mois-ci, pourquoi pas un film érotique ? Mais attention, ne nous méprenons pas. Quand j'emploie le mot « érotique », je ne m'en sers pas n'importe comment (!). Il n'est pas ici question de pornographie, je dirais même loin de là. Petit rappel de la différence entre érotisme et pornographie : si on compare avec la littérature, il y a entre ces deux notions la même différence qu'entre le romantisme et le naturalisme.
« Miranda », sorti en 1985, a été réalisé par un chantre de l'érotisme soft à l'italienne, un dénommé Tinto Brass. Ce gai luron, cette année-là, n'en était pas à son galop d'essai. Il avait déjà fait ses preuves niveau subversion et critique sociale avec « Caligula » (1979), « Salon Kitty » (1976) – tous deux bien charcutés par la censure – et « La Clé » (1983), avec la splendide Stefania Sandrelli.
L'histoire est, comme le titre l'indique, celle de la pulpeuse Miranda (interprétée par Serena Grandi), patronne d'une petite taverne en Italie, durant la Seconde Guerre mondiale. Elle sera l'amante de quatre hommes avant d'en choisir un qui deviendra son nouveau mari, le premier étant mort à la guerre.
Que pourrait-on dire de ce film italien ? Tout d'abord, qu'il est complètement différent d'un film à caractère pornographique tel qu'on en trouve partout gratuitement sur internet ou sur les chaînes payantes, par exemple. Ici, le suspense n'est pas limité à de la bidoche qui s'agite. Miranda est un vrai personnage, une femme de caractère non limitable à ses attributs. Point de sexe fast-food, mais une véritable mise en scène du désir (féminin et masculin) entre des hommes et une femme qui s'attirent, se croisent, se rencontrent, se fuient, se retrouvent. Que l'on se rassure, le porno sans queue ni tête (si j'ose dire !) n'a pas sa place chez Tinto Brass, qui, par ailleurs, récidivera avec les opéras de sensualités que sont « All Ladies Do It » (1992), « Monella » (1998) et « Cheeky » (1999).
Mais principalement, ce film fait l'éloge de la beauté et de la puissance sexuelle de la femme méditerranéenne. En effet, Miranda est l'antithèse de la lolita que l'on voit partout aujourd'hui (pubs, films, magazines, photos dans les pharmacies...) et érigée en modèle de corps soi-disant parfait. A ce sujet et pour conclure, citons Ovidie, l'actrice pornographique, qui, dans son livre « Porno Manifesto », dénonce, entre autres, cette mise en avant d'un certain type de femme-enfant : « La bombe italienne est une belle "femme" et dégage une aura très sexuelle. La belle actrice de l'Est est une jolie gamine. La production européenne de films pornographiques a décidé à partir de la deuxième moitié des années 90 de ranger au placard la Femme au profit de la Lolita. Phénomène qui se retrouve superficiellement dans les autres domaines du show-business (chanson, cinéma...). Car la Femme, en tant qu'être puissamment sexuel, fait peur. La Lolita rassure l'Homme. Sa jeunesse et sa pureté factice lui donnent un statut d'infériorité. »1
1 : Ovidie, Porno Manifesto, Paris, Flammarion, 2002, p.86.
Cette critique est parue dans le mensuel liégeois "Poiscaille" numéro 8.
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