Pratiquement une décennie sépare Misanthrope des Nouveaux Sauvages, premier long-métrage de Damián Szifron. On pourrait y voir un sacré grand écart entre le patchwork déjanté et ce thriller urbain frigorifié, mais ce serait vite dit. Szifron n'a pas tenté l'aventure américaine hier. Et niveau acrobatie périlleuse, le réalisateur argentin a déjà bien donné avec sa transposition (annulée) de L'Homme qui valait trois milliards. Revenir avec le film à suspense du samedi soir paraît alors moins extravagant, n'est-ce-pas ? Beaucoup moins même.
La sensation frappe sitôt que les premières balles trouent le ciel constellé de feux d'artifices. Jeu sur les perspectives, le montage au cordeau, l'éclair de violence impitoyable,...le cadre et l'ambiance sont posés. Szifron à la main, c'est par la seule mise en scène qu'il formulera ses intentions. Ce qui va se produire de manière continue pendant une bonne partie de Misanthrope. Dans sa manière de présenter Eleanor (Shailene Woodley, admirable) de regarder Lammark (Ben Mendelsohn, au poil) coincé dans les mesquineries politicardes ou de battre en brèche l'Amérique contemporaine. Les modèles sont identifiés (Seven, Zodiac, Le Silence des Agneaux) mais pas question de les piller. Szifron joue sur l'inattendu pour mieux happer.
Il peut se montrer abrupt, sarcastique, faire entrer un peu de chaleur puis vous fourrer aux premières loges d'un pétage de câble et vous glacer le sang avec de pures visions d'horreur. Finalement, le cinéaste ne racontait pas autre chose avec Les Nouveaux Sauvages, cette rage du désespoir couvant sous le vernis d'une civilisation trop proprette pour être honnête. Bien sûr, on rigole moins ici (même si les quelques traits d'humour sont imparables), et l'acte final s'égare dans une résolution tiède avec ses gros sabots thérapeutiques. Mais pour un thriller sur lequel personne ne misait il y a encore quelques semaines, c'est déjà bien voire très bien.