Avec le réjouissant Les nouveaux sauvages, Damián Szifrón avait démontré sa capacité à filmer aussi bien l'intime et le spectaculaire et à exacerber l'ambiance dans lesquelles ces protagonistes évoluent. Ainsi Misanthrope s'ouvre sur une scène d'introduction magistrale, qui fait penser à Michael Mann pour la démesure froide, tout en gardant un pied sur terre avec l'apparition très terre-à-terre mais bien curieuse de son protagoniste principal en la personne de l'agent Falco. L’histoire est celle d'une poursuite policière dans un Baltimore neigeux, empêtré dans les guerres internes du FBI et les velléités politiques, mâtinée enfin d’une réflexion un peu plus existentielle sur notre place parmi un monde bruyant et agressif sombrant peu à peu dans la folie. La trame du film n'est pas très originale mais ses pas de côté scénaristiques et son interprétation le rendent captivant et donne au genre un véritable coup de fouet ; le film rejoint les très bons thrillers. J’ai bien aimé l'humanisation des personnages, présente mais pas envahissante, juste point d'équilibre, ainsi que la bonne écriture de leur caractère. Prenons l'exemple de Falco : elle ne débarque pas sur les lieux par hasard, elle a les compétences pour mais elle a de sacrés problèmes qu'on effleurera sans tomber dans le milieu ni le voyeurisme facile. Shailene Woodley et Ben Mendelsohn offrent tous les deux des incarnations émouvantes et solides, et forme un duo aussi vindicatif que vulnérable.
Au-delà de l'histoire et de l'interprétation c'est surtout par ses aspects techniques que le film se distingue. Les compositions de cadres et les mouvements de caméra sont extrêmement bien maîtrisés et souligne efficacement l'insignifiance des personnages dans leur milieu, sans pour autant les déshumaniser. la photographie et la musique sont également très bien pensées pour renforcer cette immersion dans le point de vue de Falco, fine observatrice et hautement misanthrope, surtout envers elle-même.
Le point faible du film est l'effondrement partiel de son scénario sur la fin, qui par l'accumulation de petites incohérences à mon sens laissent pas mal d'insatisfactions, tout en redevenant bien plus convenu. Misanthrope est un passage réussi au cinéma américain pour Damián Szifrón, qui je l'espère continuera à amener des œuvres aussi dynamiques et riches.