Le cinéma de Yorgos Lanthimos a toujours marché sur moi, que ce soit pour Canine, The Lobster et ce dernier film Mise à Mort du Cerf Sacré. Les thématiques chères au réalisateur grec (famille, amour, sexe) se confrontent automatiquement à des dilemmes. Et je me pose toujours cette question : Jusqu’où Yorgos est capable de m’emmener ? Jusqu’où va-t-il repousser les limites du réalisme ?


En sortant de salle j’ai su que je venais de voir quelque chose de peu commun. Rarement un film ne m’avait autant secoué. Dès le début j’ai été plongé dans un sentiment d’inconfort en observant cette famille aisée laissant un sentiment de paraître irréprochable à son entourage mais qui est rattrapé par la violation de l’intimité du spectateur qui la découvre sous un regard plus absurde.
L’arrivée du personnage de Barry Keoghan va renforcer mon inconfort. Là encore, la pression se fait de façon progressive mais le spectateur ressent la part néfaste et malsaine du jeune garçon. Cette pression atteindra son paroxysme à l’annonce du dilemme de Martin au père de famille et chirurgien Steven (joué par Colin Farrell) A partir de ce moment, tout semble voué à l’échec et à la douleur. I n’est plus question de paraître. Du jeu froid et sans émotion des protagonistes, s’échappent de la peur, de la tristesse et de la fatalité.


Les relations parent/enfant et mari/femme sont bien traités. L’individualisme devient selon moi le sujet central à partir de l’annonce et l’évolution des relations est particulièrement prenante pour le spectateur. Là où au début du film, seul Steven semble se préoccupé de sa personne (celui-ci ne voulant pas jouer le père de remplacement auprès de Martin et sa mère), chaque personnage va dévoiler sa part d’égoïsme même si cela va à l’encontre de leur valeur :
- Les enfants voulant survivre à tout prix, sont prêt à mettre de côté leurs conflits existants avec leurs parents et se mettre en concurrence eux-mêmes (changement de comportement, chacun voulant être l’enfant modèle);
- Anna (jouée par Nicole Kidman) voulant sauver ses enfants, s’apparente à une mère courage (elle va même s’abaisser à faire des gâteries à un collègue de son mari) ;
De tous les protagonistes, seul Martin semble fidèle à lui-même. Il souhaite revivre sa vie de famille dans un premier temps et dans un second temps, se venger de la mort de son père sur la table d’opération de Steven des années plus tôt. Dans tous les cas, la destruction de la famille de Steven semble inévitable.


Là où beaucoup vont critiquer le jeu d’acteur des films de Lanthimos le jugeant trop froid ou morose, je trouve ce jeu particulièrement juste. Ces instants de grande tensions sont captivants. De plus la bande originale est là pour contre balancer ce jeu d’acteur avec des musiques dramatiques et puissantes.


Cette bande originale qui joue également un rôle majeur dans le film. En effet, elle va donner le ton et le genre du film en passe par exemple du drame (Stabat Mater D383 : I. "Jesus Christus schwebt am Kreuzel" - Franz Schubert, Carol of the Bells - Lachey Arts Choir) au thriller horrifique avec des sons très stridents (Scène de la chute du cadet Bob dans l’escalator)


Autre point à souligner, l’esthétique du film. Les plans m’ont fasciné par leur beauté. Je pense surtout aux scènes de l’hôpital (lieu ultra-moderne mais quasiment vide), la splendide maison de famille qui semble toujours sombre malgré le soleil (les résidents semblent constamment allumer des petites lampes à chaque coin de la maison ce qui donne une luminosité toute particulière) et enfin la scène de la soirée conférence qui est selon moi la plus réussie du film.


C’est un film qui m’a énormément plu et je suis assez déçu qu’il n’est pas aussi bien marché. C’est le genre de cinéma qui ose plus qu’il ne tente, en assumant ses idées et en les poussant le plus loin possible. J’espère qu’avec le temps il obtiendra la reconnaissance qu’il mérite. A l’avenir, je suis curieux de voir ce que va nous proposer le réalisateur grec.

PereVinyard
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 100 films PereVinyard, Les meilleurs films avec Colin Farrell, Les meilleurs films de 2017, DVD PereVinyard et Les meilleurs films de Yórgos Lánthimos

Créée

le 11 janv. 2018

Critique lue 483 fois

1 j'aime

PereVinyard

Écrit par

Critique lue 483 fois

1

D'autres avis sur Mise à mort du cerf sacré

Mise à mort du cerf sacré
Sergent_Pepper
7

Docteur cagoule

Cela ne surprendra personne si l’on affirme que le dernier film de Lanthimos est surprenant. Ayant déjà engagé son comédien Colin Farrell sur des voies bien singulières dans son précédent et...

le 1 nov. 2017

77 j'aime

9

Mise à mort du cerf sacré
AnneSchneider
8

Quand la figure du destin fait voler en éclats le mythe d’une puissance absolue...

Steven, chirurgien cardiaque (Colin Farrell), se trouve marié à Anna (Nicole Kidman), qui dirige une clinique d’ophtalmologie. Pleins pouvoirs sur le cœur, le regard ; un rêve de maîtrise absolue,...

le 24 oct. 2018

63 j'aime

18

Mise à mort du cerf sacré
Velvetman
8

Memories of Murder

Après le plébiscite occasionné par The Lobster, Yorgos Lanthimos revient avec Mise à mort du cerf sacré, de nouveau tourné et réalisé dans la langue de Shakespeare. Le réalisateur grec commence à se...

le 26 juin 2017

63 j'aime

2

Du même critique

Elephant Man
PereVinyard
8

Critique de Elephant Man par PereVinyard

Pendant longtemps j’ai refusé de voir ce film, non pas parce que je pensais que c’était un mauvais film mais je savais qu’il serait terrible à voir. J’ai fini par céder un soir. Un chirurgien...

le 30 janv. 2017

8 j'aime

4

Above
PereVinyard
10

Critique de Above par PereVinyard

Mike McCready (guitariste Pearl Jam) et John Baker Saunders (bassiste The Walkabouts) se rencontrent en cure de désintoxication et sympathisent rapidement. A leur sortie, ils décident de monter un...

le 31 janv. 2017

3 j'aime

Le train sifflera trois fois
PereVinyard
7

Critique de Le train sifflera trois fois par PereVinyard

Étant néophyte dans le genre western, je m'étais surtout arrêté au Leone et donc plus précisément aux westerns spaghettis imaginant les westerns beaucoup trop noirs et lents à mon goût. Et là encore,...

le 31 janv. 2017

2 j'aime

3