Dans les sous-bois proches d'un petit village de l'Aveyron, la chasse aux champignons peut se révéler synonyme de rencontres : violentes, tendres, voire sensuelles, pourquoi pas ? Tel qu'en lui-même, mais toujours capable de nous surprendre, le cinéma de Alain Guiraudie a peu d'équivalent en France, et notamment ici cette manière inouïe de mêler tragédie et comédie, avec un naturel désarmant dans un contexte de désir homosexuel qui est autant ludique que source de tension. Guiraudie joue avec le statut de ses personnages : flics, curé, veuve boulangère, les sortant de leur comportement attendu, d'où le décalage irrésistible qui en résulte. Dans cette histoire, fortement ancrée dans son territoire rural, qui se passe aussi dans les chambres à coucher et les cuisines, où personne ne refuse un verre de pastis, c'est d'humanité dont nous parle Miséricorde, à l'encontre des idées reçues et des conventions, y compris cinématographiques. Et tout cela dans une veine naturaliste, qui rappelle un peu Jacques Becker ou Maurice Pialat, à condition d'y intégrer un pincée de surréalisme à la Luis Buñuel. Autrement dit, Miséricorde, c'est un Guiraudie au meilleur de sa forme et toujours merveilleux directeur d'acteurs. Il suffit de voir ce qu'il réussit à faire avec le presque inconnu Jacques Develay et une Catherine Frot soudain réinventée.