Miséricorde, voilà bien un mot tombé dans l'oubli dans ce monde. L’histoire illustre bien le titre, une forme de compassion pour le malheur d'autrui et le pardon qui en découle. Parmi les personnages du curé, du gendarme, du voisin bourru ou de la boulangère et de son fils, il est facile de deviner lequel est le plus susceptible de miséricorde. Mais auparavant il y a eu un meurtre violent dont nous connaissons le coupable, et les différents protagonistes vont essayer de deviner ce qu’il est advenu de la victime enterrée sous un arbre, grâce à la décomposition de laquelle les champignons vont pouvoir abonder (vous reprendrez bien un peu d'omelette aux champignons?). Le personnage central est Jérémie, dont on ne sait pas grand chose, ni le passé ni le présent, ni quel lien il a avec la famille où il loge, ni ce qu'il veut exactement, l'intention du réalisateur étant de nous laisser dans l’ambiguïté, ce Jérémie est-il un ange tombé du ciel ou un dangereux tueur en série? Ce qu'on sait, c'est qu'il s'est installé chez Martine la boulangère à l'occasion du décès de son mari, et qu'il était très proche du défunt. La suite de l'histoire prendra une tournure inattendue, le spectateur n'étant pas habitué aux types de relations qui vont se nouer. Alain Guiraudie ne s’appesantit pas dans des scènes de sexe mais montre l'humanité des gens, ce qui rend plus vraisemblable ce drame en milieu rural, en général très pudique, mais des traits d’humour fréquents allègent l’ambiance crépusculaire de l'Aveyron en automne. Les cèpes et surtout les morilles ont leur rôle dans l’enquête. En effet ces dernières poussent dans des endroits où la terre a été retournée.
Les acteurs sont très bien choisis et dirigés, bien que la plupart soient inconnus, à part Catherine Frot qui est l'une des rares actrices connues de plus de soixante ans capable de jouer une boulangère sans être ridicule. Pas du tout ridicules et même convaincants on retrouve Félix Kysyl dans le rôle principal, Jean-Baptiste Durand, le futur réalisateur de Chien de la casse, dans le rôle du fils de Catherine Frot, Jacques Develay qui a un réel physique de curé, et David Ayala qui a un physique qui ferait croire qu’il est un habitant du coin.
J'ai été agréablement surpris par ce film de facture classique en apparence mais qui va se révéler en forme de thriller avec des personnages qui évoluent, la seule petite déception, il en fallait une, est l'absence de cartographie précise des coins à champignons de la région.
J'ai aussi été surpris de voir qu'Alain Guiraudie est un réalisateur qui attire le public, ça fait longtemps que je n’avais pas vu une salle pleine et, à en croire les rires dans la salle et les applaudissements, la plupart des spectateurs ont aimé le film.