Miséricorde
7.1
Miséricorde

Film de Alain Guiraudie (2024)

Jérémie revient dans son village natal de l'Aveyron Saint Martial pour assister aux obsèques de son ancien patron, le boulanger du village avec qui il avait un lien très particulier.

Il séjourne chez Martine la veuve du défunt. Ce séjour qui se prolonge n'obtient pas les faveurs de Vincent le fils de Martine qui se montre de plus en plus agressif et menaçant vis-à-vis de Jérémie. Autour du jeune homme dont la présence intrigue et provoque attirances inavouables ou jalousie incontrôlable gravitent également un voisin irascible et un curé très prompt à pardonner les péchés. Une disparition mystérieuse et inquiétante plus tard (et sur ce point le spectateur en saura beaucoup plus que la plupart des personnages de l'histoire) et c'est la gendarmerie locale qui entre en piste.

Alain Guiraudie n'a pas l'habitude de placer son spectateur dans des situations douillettes. Après les inconfortables L'inconnu du lac (qui révéla Pierre Deladonchamp) et Rester vertical, deux films provocateurs et troublants que j'avais (très bien) vécu comme des expériences inédites mais réconfortantes quand on voit tant de films et qu'on cherche toujours à être surprise, bousculée, voici donc cette comédie dramatique en milieu rural sur fond de cueillette de champignons. Dans le cinéma de Guiraudie il y a du sexe (très peu ici, seulement deux bites visibles, dont une qui a choqué les deux dames assises devant moi et rend la scène encore plus drôle), un peu de surnaturel discret et surtout des personnages plutôt opaques dont on connaît mal les intentions et les motivations. Plus que jamais ici, ils donnent tous l'impression de cacher quelque chose d'inavouable. Comme dans Quand vient l'automne de François Ozon, tout semble se cristalliser à l'intérieur d'une forêt en automne et de la cueillette de champignons. Dès qu'un personnage s'y balade, les autres semblent surgir comme par enchantement pour régler leurs comptes, intervenir. C'est dans les sous bois que les rencontres prennent tout leur sens sans que pour autant on comprenne réellement les intentions des uns et des autres.

Le réalisateur crée de la tension, installe une tragédie mais il le fait avec un humour subtil où même les actes les plus répréhensibles s'accomplissent avec le naturel le plus déconcertant possible. Alors l'histoire est sombre, sinistre même, mais lorsqu'il quitte la forêt, le réalisateur la place dans les cuisines, les chambres à coucher autour d'un (ou plutôt plusieurs) verres de pastis et rend les événements les plus sordides d'une banalité déroutante.

Jérémie traverse le film et la vie de ces gens ordinaires comme le visiteur sans nom de Pasolini et révèle leur vraie nature. Peut-être, ou pas. C'est décalé, c'est immoral, (ou amoral). Tant mieux. Les interprètes se régalent, nous aussi.

LaRouteDuCinema
7
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le 22 oct. 2024

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