Voilà un film qui risque d'en rebuter beaucoup, un film dont l'histoire est surtout un prétexte, qui ne dédaigne pas d'adopter un ton légèrement surnaturel. Un film qui parle de désirs, un film de Guiraudie en somme, et ceux qui sont habitués déjà de son cinéma y retrouveront sa patte manifeste.
Nous suivons Jérémie (nous sommes même avec lui en voiture), qui s'en vient dans un petit village près de Millau pour l'enterrement de son ancien patron. se trouvant bien dans ce village, il va décider d'y rester quelques jours. Il va errer dans la forêt et interagir avec ses habitants, un ancien fermier qui vit à l'écart, la femme et le fils de son ancien patron et le curé de la paroisse. Et au sein de ce petit monde, il va devenir un objet de désir.
L'arrivée d'un étranger, c'est un thème récurrent que Guiraudie a manifestement fait sien, avec ce que cela peut révéler de pulsions plus ou moins enfouies, car le cinéma de Guiraudie est une cartographie du désir. Et quand la violence surgit, elle est abrupte, répulsive.
Ici nous avons également un questionnement métaphysique, notamment avec ce gendarme qui joue plus ou moins le rôle de conscience : il peut aller où il le souhaite, à n'importe quelle heure, réveillant Jérémie la nuit. Et bien sûr le rôle du curé, plein d'un désir totalement avoué envers Jérémie, et qui semble toujours se trouver au bon endroit au bon moment. Ce curé est notamment à l'origine de deux très belles scènes, celle du confessionnal, et la discussion au bord de l'abîme.
Pour autant, Guiraudie ancre son récit dans le réel. Certaines scènes sonnent très juste d'un point de vue naturaliste. C'est que les décors semblent on ne peut plus réaliste, et que les acteurs jouent leur rôle sans affectation. A part la recherche des champignons, car cette histoire de forêt est au centre du récit, n'en disons pas plus, ce sont de petits détails, montrés l'air de rien, comme en passant. Ajoutons de très belles scènes visuellement, notamment de nuit, éclairée par une lampe torche, et les paysages.
En tous points, Miséricorde s'avère un beau film, intriguant jusque dans sa fin ouverte, qui suscite plus d'interrogations qu'elle n'en résout. Eh bien, laissons nous porter!