Un mercenaire traqueur d'esclaves en territoire Guaranis au milieu du XVIIIe siècle ne parvient plus à se regarder dans le miroir après avoir tué son frère de ses propres mains pour une simple histoire de partage de femme non consenti.


Suit alors une histoire de rédemption à la sauce catholique, assez classique et au symbolisme tout aussi étouffant, entre mythe de Sisyphe et Jésus portant sa croix.


Malgré ces références trop pesantes à la religion catholique tout au long du récit, le réalisateur parvient à ne pas sombrer dans un manichéisme facile. Les portugais qui viennent appliquer le traité de Madrid à l'aide de fusils et canons sont presque aussi meurtriers que les jésuites qui restent aux côtés des Guaranis davantage par application de la mission confiée par leur ordre que par véritable humanisme.


Ce film aurait pu ne comporter aucun dialogue que cela n'aurait pas changé grand chose au rendu final. Les décors naturels sont grandioses et fascinants. On s'émerveille devant l'architecture de la région, tout en regardant avec intérêt le transport de matériel de fleuves en falaises. Robert de Niro change de vie en se faisant peindre le torse et ça suffit à nous immerger dans cet environnement boueux, pluvieux et luxuriant. On est frappé par ces nourrissons nus délaissés dans la boue sous les yeux de leurs mères.


Ennio Morricone ne délivre clairement pas sa meilleure partition, mais réussit tout de même à nous immerger sans difficulté au cœur de cette jungle.
Robert de Niro n'est pas non plus au meilleur de sa forme, passant de mercenaire sanguinaire à religieux combattant avec un excès pas vraiment crédible.


Il reste que l'oeuvre de Roland Joffé souffre de la comparaison avec d'autres oeuvres du même genre. On pense notamment à Barry Lindon sorti en 1975, apportant une autre dimension aux films historiques, mais surtout à Aguirre, la colère de Dieu (1972), qui a montré qu'on pouvait raconter une histoire dans cette région en utilisant la jungle autrement que pour sa simple beauté naturelle.


Clairement pas le chef d'œuvre que la Palme d'or obtenue à Cannes en 1986 essaie de nous vendre, cette Mission de deux heures mérite d'être vue (et revue) pour deux raisons :



  • les décors sublimes de cette zone naturelle aux confins de l'Argentine,
    parfaitement servis par une photographie soignée d'une part ;

  • la description (même si elle n'est pas totalement fidèle d'un point de vue historique) de la guerre des Guaranis, finalement assez peu connue aujourd'hui par une bonne partie des européens d'autre part.

Kevin_R
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le 10 janv. 2021

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Kevin R

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