Au grand QG des services secrets américains, c'est la panique. Une intelligence artificielle ultra-puissante vient de voir le jour, et s'annonce comme le plus redoutable ennemi qu'ils aient jamais eu à affronter. Craignant de voir les services secrets s'approprier l'IA et en faire une arme rendant le combat dissymétrique donc dangereux pour l'équilibre mondial, Ethan Hunt fait appel à ses amis les plus fidèles de la FMI et engage un bras de fer avec "l'Entité", l'ennemi le plus puissant qu'il ait jamais eu à affronter.
Il est assez rare qu'un film qui vend le combat contre "l'ennemi le plus puissant jamais affronté" ait raison. Pourtant, il se pourrait bien que Mission Impossible : Dead Reckoning y soit parvenu. En effet, avec l'Entité, Christopher McQuarrie et Tom Cruise imaginent un antagoniste tel qu'Ethan Hunt (et la plupart des espions de fiction, en fait) n'en ont jamais rencontré, fidèle au credo hitchcockien selon lequel la réussite du méchant détermine la réussite du film.
Ici, les scénaristes placent la barre plus haut que jamais, en imaginant une IA capable d'anticiper tous les futurs possibles, donc les actions et décisions de chaque personnage. L'occasion pour le récit de décortiquer la personnalité de chacun d'entre eux pour mieux analyser et expliquer ce qui motive ses choix, sans tromperie possible, puisque l'IA détectera toutes les tentatives de feintes de la part des différents personnages. L'Entité se révèle donc un méchant très convaincant, qui bénéficie tout de même d'un visage en la personne de son âme damnée Gabriel, incarnée avec brio par l'excellent Esai Morales. Novateur dans l'univers Mission : Impossible, cet antagoniste d'anthologie renouvelle les codes et les enjeux en apportant à la saga un délicieux parfum de Person of Interest (la meilleure série du monde, est-il besoin de le rappeler ?).
Cela ne signifie pas que l'action soit sacrifiée pour autant, et c'est le mérite de ce septième volet de résumer tout ce qui fait qu'on aime la saga, avec un art incomparable. Non seulement on a droit à un enchaînement de séquences spectaculaires et ultra-tendues, mais on n'avait jamais vu un enchaînement aussi bien ficelé et aussi cohérent dans les six précédents volets (qui étaient pourtant déjà extrêmement réussis pour la plupart).
On pourra arguer que, malgré la séquence la plus mise en avant dans la promotion (le saut de Hunt dans le vide), le film manque d'une scène aussi intense que l'infiltration à Langley (MI1), le rappel sur la Burj Khalifa (MI4) ou la plongée dans le torus (MI5). Néanmoins, le film n'est pas avare en scènes marquantes, que ce soit de la tension pure (le désamorçage d'une bombe atomique dans un aéroport), des poursuites (celle de Rome est phénoménale) ou d'affrontements physiques directs (dans un cadre vénitien ou sur un train, pour un résultat encore plus parfait).
C'est l'occasion pour Christopher McQuarrie de prouver une nouvelle fois son incroyable talent pour la réalisation, en maniant sa caméra de la manière la plus efficace qui soit. Sans jamais céder à la tentation de la "", ses plans sont d'une fluidité exemplaire, tirant parti de l'espace choisi avec un art consommé (notamment lors d'une scène dans une ruelle extrêmement étroite, qui déploie des trésors de mise en scène).
Tout cela fait de Mission Impossible : Dead Reckoning un sommet d'élégance au sein de la saga, donc au sein du cinéma d'espionnage.
Ainsi, ce septième volet synthétise tout ce qui fait qu'on aime à ce point la saga Mission : Impossible. Ce septième volet représente sans conteste la quintessence de l'univers d'Ethan Hunt, avec ses séquences musclées, cette tension exploitée jusqu'à la dernière seconde du compte à rebours, quelques touches d'humour bien placées mêlées à une gravité inédite (même si celle-ci avait déjà pénétré la saga dans le 3e épisode), une intrigue à tiroirs savamment construite... Même si, ici, les curseurs étant naturellement placés plus haut, on sent que les personnages sont plus en danger que d'habitude. L'occasion aussi, pour les scénaristes, de mettre un peu plus l'accent sur des personnages secondaires auxquels on s'est attachés et qu'on a dès lors plus du tout envie de voir disparaître (gardez-nous Simon Pegg, s'il-vous-plaît !).
Magnifiquement soutenu par la musique de Lorne Balfe (qui introduit ici un thème tragique grandiose), le film de Christopher McQuarrie apparaît donc comme un classique instantané, et disons-le, un chef-d'oeuvre de son genre.
MI7 est même tellement sûr de son coup qu'il a l'élégance suprême de ne pas terminer son récit sur un cliffhanger, qui aurait rendu l'attente insupportable avant le volet suivant. Et on ne l'en remerciera jamais assez.