Attention: critique salée!
Depuis Fall Out, la baisse de qualité se fait vachement ressentir. Alors, certains diront que niveau "scènes d'action" la franchise tient la distance par rapport à la concurrence. En cela, les avis pourraient s'accorder: après 3 films, l'art de scénographie de Christopher Mc Quarrie n'est plus à prouver. De même que l'extrême générosité cinéphilique de l'acteur vedette qu'on ne présente plus tant la saga repose sur son image. En témoignent les affiches qui l'avantagent clairement par rapport au reste du cast. Faut-il rappeler que la principale caractéristique de la saga devrait être théoriquement le coté choral du récit? Ah, on me glisse à l'oreillette que Cruise a fait lui-même telle cascade, ce qui annule toute critique négative.
Bon, on rigole mais à peine. C'est tout juste si le film ne s'appelle pas "Ethan, c'est plus fort que toi!". Tout tourne autour de Tom Cruise (enfin "Ethan Hunt"): est-ce que Tom pourra sauver X ou Y? Est-ce que Tom se laissera piéger/acheter/trahir? Quelle cascade a été faite sans trucage par Tom? Qu'est-ce que Tom a mangé ce midi?...
Or, on pointe là le principal problème du film: tout est fait pour servir de marchepied à la star, au point que tout ce qui aurait pu être intéressant d'approfondir, par rapport aux opus précédents, est éjecté. Benji est redevenu le comic-relief du début alors que les volets précédents avaient ceci de bon qu'ils en avaient fait un vrai frère d'arme d'Ethan. Pareil pour Ilsa Faust qui a surpris tout le monde en se permettant de partager la vedette des deux derniers films, et en ayant (chose rare) un réel arc scénaristique: back-story, personnalité et évolution comprise, et... Houlà, pas tant à la fois s'il vous plait! Il faut pas non plus qu'elle en vienne à devenir la vraie star de la série quand même. Il faut qu'elle reste un personnage valise, quitte à revenir sur ce qui avait été instauré. Luther reste toujours aussi génial, par sa répartie, mais son utilisation est sous-exploitée et devient presque un gimmick tant le personnage reste cet archétype d'espion inamovible. C'est dommage parce qu'on aurait pu profiter de la nature de la menace invisible, incarnée par une IA, pour semer véritablement le trouble et la dissension dans l'équipe.
Malheureusement, le potentiel de la menace et ses nombreuses possibilités sont sous-exploités, le cinéaste ne l'utilisant que pour entourlouper les protagonistes le temps de quelques scènes, extrêmement bien fichues, il est vrai, mais vite redondantes et artificielles. (En gros, l'IA voit tout, ne se trompe jamais et piège les personnages "humains", ce qui finit par devenir répétitif).
Pour revenir à notre fameuse problématique de départ: "le scénario d'un film peut-il se subordonner à l'action?", je pense que personne ne sera d'accord parce que chacun a sa vision de ce qu'est un bon scénario de film: est-ce une intrigue au déroulé suffisament limpide? une application carrée des règles et des conventions narratives? un script empreint d'enjeux complexes et actuels? une narration plus visuel? un enchainement de réplique cinglantes et à l'emporte pièce? Minimaliste? Aucune réponse n'est définitive. (où alors on part sur une check list objective du parfait scénariste... Et là on tombe dans une représentation mentale du monde par Christopher Nolan [l'angoisse!]).
Néanmoins, il est affolant de constater l'indigence avec laquelle le film traite ses personnages féminins. En gros, Grâce est la nouvelle protagoniste de l'Histoire, parachutée on ne sait trop comment ni pourquoi dans ce brouillon d'histoire et qui a bien du mal à susciter mon intérêt quand son rôle est essentiellement le même que celui de Nya, la voleuse du second opus. En fait, tout cela manque de contexte et malgré la longueur excessive du métrage, rien ne nous permet d'en savoir plus sur elle, des fois qu'on voudrait avoir un peu d'empathie, je sais pas. Et ne parlons pas du personnage de Pom Klementieff, sorte de sous Mayday de "Dangereusement votre"; ni d'Alana, interprétée par Vanessa Kirby qui, malgré ses airs de Charlotte Rampling, est un antagoniste creux et mal exploité par le métrage... Bref, tout aurait pu être peaufiné et... Oh, attendez une minute... 'sorte de sous Mayday de "Dangereusement votre" '.
Bon sang mais c'est bien sur! En fait, je m'aperçois que la réponse à ma question était sous mes yeux depuis le début: après avoir marché sur les traces des films d'action/aventure des 60' type Dr. No, l'ami Tom semble de plus en plus se muer en James Bond période Roger Moore. Autoparodie de lui-même, surenchère dans l'action, volonté d'être en phase avec les effets de mode passagers- à défaut d'être en phase avec son époque. Plus de gadgets, plus de Hunt'girls, on a même la sempiternelle poursuite en bagnole qui ne s'embarrasse même plus d'une justification ou d'un quelconque sentiment de gravité. Ce qui m'énerve c'est qu'on aurait pu s'attendre à ce que la star ait pris du recul et compris qu'un bon film d'action repose avant tout sur l'investissement que les spectateurs ont dans l'action (Maverick me le faisait espérer)...
Bref, j'espère vraiment que la suite me donnera tort, et sera le vrai bouquet final de la saga!