Heureusement que je l'ai revu, d'une certaine façon, puisque j'avais oublié d'en écrire la critique la première fois. D'un autre côté, un second visionnage laisse apparaître les petits défauts passés inaperçus lorsque je découvrais l'intrigue haletante et compliquée. Une intelligence artificielle échappe à ses concepteurs et décide de se mettre à l'abri des humains tout en semant la pagaille entre eux, au niveau international, diplomatique et économique. Un menu inconvénient qui nous pend au nez et qui montre combien les scénaristes de la saga sont en prise avec leur époque. Finis les Russe ou les Arabes, c'est notre propre créature qui risque bien de nous jeter aux rebuts si Ethan Hunt n'y prend pas garde. Notre héros est là, viril, sportif, futé, implacable autant que droit et secondé par des acolytes qui compensent le fait que ce soit encore un homme blanc d'un certain âge à qui l'on doive notre salut. Les femmes ont la part belle dans la série depuis le début, même au second plan. Et une en particulier, Ilsa Faust, bien plus maligne que tout le monde et suivant un agenda qui lui est propre, tout comme Hunt, la mettant en délicatesse avec sa hiérarchie mais la rendant indispensable à la survie de nous autres, pauvres buses innocentes qui ne soupçonnons pas quels enjeux font pelote au-dessus de nos têtes. Tout ce qu'on peut faire, c'est voter et consommer, alors que les vrais héros qui nous permettent de continuer à le faire s'agitent dans l'ombre, comme un bouclier invisible contre les forces du Mal, qu'il ne faut pas confondre avec celles du marché puisqu'elles ne visent rien moins qu'à nous anéantir. Brrr. De quoi rendre des générations et des générations paranos. Mais on s'en fiche, parce qu'en attendant, un acteur sexagénaire court comme un guépard, escalade des sommets à mains nues et plonge en apnée pendant un temps qui ferait rougir les protagonistes du Grand Bleu. Et c'est ça qui est bon. Mieux que les jeux olympiques, parce que le gars maîtrise toutes les technologies à la mode et parle toutes les langues sans accent, ce qui le met en concurrence directe avec James Bond. Un supersoldat sans sérum aliénant, libre de ses choix et chevaleresque à mourir, littéralement. Dans ce premier opus d'un diptyque dont j'attends déjà impatiemment le dénouement, on assiste à la disparition d'un personnage de premier plan qui me manque déjà, à un complot inextricable impliquant les grandes puissances du monde (donc pas la France, ça nous fait des vacances...) et à un jeu de dupes haletant culminant dans un chassé-croisé mortel dans l'Orient-Express lancé à grande vitesse vers un pont plastiqué. Rien que de très normal, en somme, pour la franchise, mais mené de main de maître malgré quelques coutures artificielles vénielles (les longues discussions explicatives entre les personnages pour nous permettre de suivre un peu ce qui se trame, détrame et contretrame, les rebondissements en poupées russes qui s'enchaînent à l'infini sur un sauvetage acrobatique à la dernière seconde ou les ricanements complaisants des méchants à l'heure de saboter les plans de leurs adversaires...). Bref, le cahier des charges est rempli à la perfection, les moyens se voient à l'écran et on ne s'ennuie jamais deux minutes d'affilée, sauf qu'il ne faut pas se mettre à méditer sur les méfaits de la culture de la violence dans une société viriliste, technophile et extractiviste qui commence à nous chauffer sérieusement à présent que les infos ressemblent à une parodie des Monthy Python, avec leurs hommes forts paradant torse nu sur des chevaux blancs ou rallongeant leur cravate jusqu'au bas de leur braguette. Toute ressemblance avec de pitoyables clowns tristes connus étant bien évidemment fortuite. Ils seraient bien inspirés de faire leur la devise d'Ethan Hunt: "Je ne peux pas vous promettre de vous garder en vie, mais je jure de faire passer votre vie avant la mienne en toute circonstance". Ça a un peu plus de gueule que "file-moi tes terres rares ou je te coupe les vivres", non ? Le cinéma populaire serait-il le dernier refuge des gentlemen ou des chevaliers au grand cœur ? Pourquoi les mêmes personnes qui élisent des raclures nombrilistes et vaniteuses plébiscitent-elles de valeureux personnages de papier qui portent des valeurs qu'elles méprisent dans la vraie vie ? Que font les psys ? Enfin, tout un tas de questions que soulèvent ces blockbusters shootés à l'adrénaline qui tentent de corriger à leur façon les dérives de systèmes à bout de souffle...