Alors que l'industrie hollywoodienne estropie sans vergogne le genre du film d'action sous un déluge éreintant d'effets numériques et le recours inhabile à un second degré réduit à de la vulgaire pitrerie, une petite poignée d'artistes du cinéma de divertissement fait office de résistance face à l'inexorable médiocrité culturelle. Pourquoi se contenter de produire un film quelconque lorsque l'on a les moyens d'offrir du grandiose ? C'est la question que semblent se poser Tom Cruise et son équipe depuis Mission Impossible : Protocole fantôme, le quatrième opus de la franchise. Une exigence renouvelée avec un enthousiasme et une générosité proprement jouissifs dans le dernier volet en date, Mission Impossible : Fallout.
Hommage galvanisant aux modèles du cinéma d'action par son choix de la pellicule à l'heure du souverain numérique, par son montage nerveux mais jamais hystérique au service d'une lisibilité exemplaire des péripéties, par son emploi presque exclusif d'effets de plateau, par l'iconisation mesurée mais tangible de ses protagonistes, par son recours quasi dissident à une bande originale optant pour une valorisation épique de son thème principal plutôt qu'un accompagnement musical sans relief, Mission Impossible : Fallout en vient à s'ériger comme un nouveau modèle du genre. Bourré jusqu'à la gueule de morceaux de bravoure d'une folle générosité graphique. Transcendé sans cesse par un exercice réussi d’équilibriste entre la prise au sérieux de ses enjeux dramatiques et la décontraction presque nonchalante de ses héros. Sublimé par le grain argentique à la fois rugueux et élégant de sa photographie, qui lui offre un séduisant supplément de chair. Un divertissement de rêve, qu'on n'osait plus espérer face à la vague indigeste des Skyscraper (un titre qui contient crap, ça ne s'invente pas...), Rampage, Avengers, The Predator et autres Equalizer 2 ou Geostorm.
À l'image de son ébouriffante course poursuite ébranlant sans pitié les rues de Paris, exécutée telle une symphonie endiablée, méticuleuse et ravageuse, Fallout vient souffler un vent salutaire dans le carcan trop souvent timoré du cinéma d'action actuel, en lui redonnant avec brio ses lettres de noblesse, en revenant tout simplement à son essence première : une aventure spectaculaire, exaltante, jubilatoire. Christopher McQuarrie, auteur des deux derniers opus de Mission Impossible, incarne la promesse d'une belle relève après l'âge d'or de McTiernan et Cameron. S'il n'atteint pas encore la mæstria légendaire de ses modèles, on retrouve déjà dans son art leur ambition d'un cinéma hors normes et leur sens inouï du tempo. Comme Jack Slater et John McLane, le film d'action est increvable.
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