La saga Mission: Impossible a enfin trouvé sa formule et son rythme de croisière et honnêtement c'est vraiment jouissif. Après les errances du second et du troisième opus, Mission: Impossible - Protocole Fantôme a su revitaliser la saga de la meilleure des manières et a défini un cap pour les volets suivants. Mission: Impossible - Rogue Nation, le cinquième opus donc, s'inscrit pleinement dans ce sillage tout en opérant en même temps un retour aux sources salvateur en renouant avec l'esprit du film originel de Brian de Palma.
Christopher McQuarrie déjà scénariste sur le film précédent et ici aux manettes du projet base sa mise en scène sur le suspense et sur la manipulation, privilégiant les faux-semblants et les jeux de dupes. Le spectateur s'identifie une fois encore à ce que vit l'agent Ethan Hunt lui-même. L'ambiance est à nouveau marquée par le mystère et la paranoïa. L'IMF est totalement désavouée par le gouvernement des Etats-Unis et Hunt en cavale est traqué comme un terroriste par la CIA. Il ne sait plus à qui se fier d'autant que l'intrigue a l'excellente idée de l'opposer à une organisation secrète et insaisissable, le Syndicat. Une sorte d'anti-IMF composée d'agents dissidents présumés morts et qui travaille dans le but de faire basculer l'équilibre du monde. Ce Syndicat c'est vraiment le point fort de ce métrage. Composé de l'élite des espions mondiaux surentrainés et agissant en dehors de tout cadre légal, elle n'est finalement pas si différente que l'IMF et les deux tendent à se confondre. En témoigne la scène où Solomon Lane est enfermé dans une cellule vitrée blindée qui fait écho à la capture d'Ethan Hunt. Ce-dit Lane est justement le chef de cette véritable nation renégate. Incarné par Sean Harris il est un antagoniste fort et redoutable. Froid, manipulateur et doté d'une intelligence remarquable, il est un adversaire au minimum à la hauteur d'Ethan Hunt d'autant qu'il a toujours un coup d'avance sur celui-ci et parvient systématiquement à le piéger. Il nous rappelle également au bon souvenir la figure de Philip Seymour Hoffman qui composait lui aussi un méchant d'anthologie.
Le scénario repose donc sur un réseau d'illusions où les apparences sont trompeuses et les alliés potentiels ambigus. On ne sait jamais qui trahit qui et qu'est ce qui est réel ou simulé. Le personnage d'Ilsa Faust est à ce niveau particulièrement intéressant. Son double jeu nous renvoie clairement au personnage de Claire Phelps dans le premier film. Dès son apparition elle s'impose comme un des si ce n'est le personnage féminin le plus marquant de la saga. A la fois fascinante, ambivalente et redoutablement compétente, elle envoute instantanément le spectateur ( quel jeu de jambes de Rebecca Ferguson...). C'est une vraie femme fatale dont l'intelligence et la maitrise du combat lui permettent d'exister en totale indépendance. Elle semble à tout moment pouvoir trahir Hunt comme elle est à plusieurs reprises la seule qui puisse le sauver. Physiquement elle impressionne, que ça soit dans l'affrontement brutal contre plusieurs hommes à Londres ou face à Janik Vinter. Rebecca Ferguson exécute ses cascades elle-même ce qui la rend d'autant plus crédible. L'une des séquences les plus marquantes est indubitablement celle de l'Opéra de Vienne ou elle jongle entre son rôle d’exécutante du Syndicat et celui d'alliée potentielle de Hunt. Avec une précision remarquable dans la gestuelle elle parvient à exprimer toute la complexité de cette situation. Tout ce passage fait par ailleurs la part belle à l'espionnage le plus pur. Esthétique des ombres et des reflets, cadres resserrés évoquent l'approche hitchcockienne de Brian De Palma.
Le film poursuit aussi son travail de modernisation de l'action. Il y a cette séquence initiale in medias res hallucinante où Hunt est accroché à un avion en plein décollage qui nous donne le vertige. Le passage dans le centre de données ultra sécurisé où il doit plonger dans un système de refroidissement de serveurs renvoie au climax de Protocole Fantôme. Tom Cruise impressionne une fois de plus par sa condition physique car il doit retenir sa respiration en apnée sous l'eau durant plusieurs minutes. Le temps se dilate et modifie le rapport à l'espace, asphyxiant littéralement le spectateur ce qui produit une péripétie qui n'a jamais semblé aussi infranchissable. Il n'y a que cette séquence de course-poursuite à moto que je trouve hors de propos et qui semble un peu trop émaner du film de John Woo.
La dynamique de groupe fonctionne également admirablement bien. Simon Pegg est davantage présent sur le terrain et son humour équilibre les moments de tension. L'amateur retrouve Ving Rhames avec grand plaisir et Jeremy Renner bien que plus effacé navigue entre ses responsabilités à l'IMF et les pressions politiques exercées par la CIA. Une fois encore la force de l'équipe réside dans la complémentarité de ses membres.
Mission: Impossible - Rogue Nation est en conclusion un vrai bon divertissement efficace qui tout en revenant au thriller d'espionnage s'insère parfaitement dans le prolongement de son ainé. Bien qu'il n'atteigne pas à mon sens la maestria ni l'inventivité de ce-dernier il trouve un équilibre bienvenu entre action et tension psychologique et se classe aisément sur le podium des meilleurs volets de la saga.