La dispersion revendiquée par Missouri Breaks, gage de sa modernité et de sa volonté (louable) de dépoussiérer le vieux western et d’en proposer une relecture de son temps, atteint rapidement un point de non-retour au-delà duquel le récit se décompose en lambeaux informes et l’atmosphère mi crépusculaire mi drolatique s’essouffle pour ne laisser à l’écran qu’une suite de scènes expédiées à la va-vite. Arthur Penn s’enorgueillit d’un geste artistique qui demeure théorique : l’image est assez laide – en dépit des efforts de restauration des éditeurs récents, et de certains plans symboliques, comme lors du face-à-face dans la salle de bain –, la dramaturgie illisible et la caractérisation des personnages vaporeuse. Le souci, c’est que de tels défauts semblent revendiqués et recherchés pour eux-mêmes, garantie prétendue d’une libération du genre qui n’exprime en réalité qu’une incapacité réelle à réaliser un bon film.
Car l’incohérence trouve, dans l’absurde envisagé comme tonalité d’ensemble et nébuleuse d’une œuvre, toute sa cohérence et devient aussitôt compréhensible. Le récent Mandibules (Quentin Dupieux, 2021) en est la preuve. La démence, la fièvre, l’absurdité des situations mises en scène Missouri Breaks ne relèvent que de l’artifice conscient et autoconsacré. Deux grands acteurs, en roue libre, peuvent néanmoins assurer un semblant de spectacle.