Difficile de ne pas manifester sa déception lorsqu’on se retrouve face à une telle réunion au sommet : un duo Brando – Nicholson devant la caméra du grand Arthur Penn : les attentes peuvent évidemment être démesurées.
Après l’incursion contemporaine de La Fugue, Penn revient au western, dont il a su dès les origines décaper le glacis classique dans Le Gaucher. De ce film et du superbe Little Big Man, il garde cette tonalité originale, dans laquelle l’humour, voire le grotesque contaminent les enjeux dramatiques. La bande de Nicholson, voleurs de bétails, accumulent ainsi les bévues, tout en réussissant avec une facilité déconcertante à commettre leurs forfaits. Pour leur barrer la route, le riche propriétaire terrien victime de leurs agissements fait appel au regulator Clayton, pervers psychopathe qui va rendre justice à sa manière.
Les ingrédients sont là, les intentions toujours aussi acides et pertinentes : nulle dichotomie entre l’autorité et les hors-la-loi, peu de figures innocentes : l’Ouest doit faire avec une donnée fondamentale, celle du crime et de sa vengeance par la perpétuation de la violence.
Les paysages sont grandioses, et certaines séquences de galop dans les ravines ou les rivières parviennent à rappeler les grands moments de Little Big Man.
L’incursion de la comédie bouffonne peut être légitimée, l’Amérique naissante prenant des allures de farce morbide dans laquelle on se déguise en vielle gouvernante pour aller tirer ses ennemis dans les toilettes ou en plein coït contre un mur sale.
La sève de Penn est donc bien présente, et sa noirceur infuse la mythologie qu’il prend plaisir à contrecarrer.
Il n’en demeure pas moins que l’ensemble a beaucoup de mal à prendre : trop long, mal géré dans son rythme, Missouri Breaks s’enlise à plusieurs reprises. Nicholson se limite à une seule expression faciale, tandis que de son côté, Brando se livre à un numéro de pitre assez insupportable, quelque part entre le bouffon shakespearien et l’acteur en roue libre. La romance improbable a elle aussi du mal à convaincre, et les personnages, souvent sans âme, ne semblent que des candidats au plomb qui ne manquera pas de venir les farcir. Mis bout à bout, ces failles font clairement trembler l’édifice, et si l’on retrouve assurément la patte du grand Penn, cet opus peine à convaincre.
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