The Babadook, premier film de Jennifer Kent, est un drame psychologique sortit en 2014. Ce film tire son originalité de par sa capacité à transmettre un message tout en épatant visuellement par la qualité de sa réalisation. Jennifer Kent, réalisatrice et scénariste de The Babadook, traite de deux grands thèmes : l'évolution du deuil d'une femme ayant perdu son mari, et la puissance de l'amour, qui prend le dessus sur les autres émotions néfastes occasionnées par le deuil du personnage principal, Amelia.
Dès le début du film, l'atmosphère est pesante, la folie n'est certes pas encore en Amelia, mais elle est bien présente. Jennifer Kent nous le montre par ses chois de mise en scène, qui traduisent bien l'esprit d'Amelia.
La mise en scène de The Babadook est remarquable : des plans froids, symétriques, des couleurs ternes, et une intemporalité des vêtements et des décors donnent une atmosphère pesante et froide au film.
Les plans larges et symétriques, très présents dans le film, traduisent la distance entre Amelia et son film Samuel. Les deux personnages sont souvent séparés par un objet ou des lignes créées par la perspective d'objets présents dans le plan. Par exemple, dans la scène dans laquelle Samuel et sa mère mangent dans la cuisine, les deux personnages sont séparés par une ligne créée par deux chaises vides alignées et la perspective du carrelage en damier noir et blanc et les meubles. Les deux chaises vides entre les personnages soulignent une absence, l'absence du mari d'Amelia. Les personnages sont à chaque bout de la table, au maximum d'espace qui pourrait les séparer, afin de bien souligner la distance entre Amelia et son fils, qu'elle considère responsable de la mort de son mari, et la peur de Samuel envers sa mère. Les plans du film sont larges, froids. Les seuls plans rapprochés ou gros plans du film déforment le visage des acteurs, en particulier Essie Davis, souvent pour représenter la mélancolie et la tristesse qu'elle éprouve.
Cette symétrie du cadrage n'est pas le seul élément qui souligne l'état d'esprit des deux personnages. En effet, les couleurs du film sont dé-saturées et tirent vers un bleu froid. Cette couleur, ou plutôt cette absence de couleur, représente la morosité de la vie de Amelia et de son fils, l'absence de sentiments de joie dans leur vie, entachée par la mort de Oskar, la mari d'Amelia. La seule couleur explrimée clairement est la rouge du livre « The Babadook », pour le mettre en relief, comme pour mettre en évidence la cause de cette vie que subit Amelia.
On peut remarquer aussi que les personnages de Amelia et Samuel, quand ceux-ci sont en extérieur, sont plus ternes que les autres personnages, comme deux ombres. Cette différence d'intensité des couleurs montre la différence des deux personnages principaux avec les autres personnes. En effet, Amelia et Samuel endurent un calvaire, causé par la non-acceptation de la mort d'Oskar, et cela influe sur leurs personnalité et leurs apparence.
Nous pouvons aussi noter que les vêtements des personnages et les décors, que ce soit les meubles d'une maison ou encore l'architecture de celle-ci, sont intemporels. Le film pourrait aussi bien se passer en 1950 qu'à de nos jours. Le lieu n'est pas défini non plus. Nous avons donc un cadre spatio-temporel approximatif, ou même inexistant. Ce choix peut s'expliquer par un message qu'aurait pu vouloir transmettre Jennifer Kent : cette situation peut arriver à tout le monde, n'importe quand et n'importe où, elle est universelle.
« Beaucoup de femmes se sont dit […] ce personnage existe, je n'ai pas à être parfaite[...] » - Jennifer Kent
Le deuil d'Amelia est représenté par le Babadook, monstre imaginé par son fils, à partir d'un livre trouvé sur une étagère dans la chambre de l'enfant. Ce monstre métaphorique est d'abord hors de Amelia, elle est menacée par celui-ci, mais il reste extérieur à Amelia, dans les deux tiers du film.
Le personnage en lui-même est une représentation du deuil d'Amelia. Il renvoie également à l'image que se fait un enfant d'un monstre. Il est peut-âtre aussi la manifestation de la peur de Samuel de ne pas être aimé par sa mère, peur de nombreux enfants. Il reste subjectif : il n'est pas visible clairement. Le monstre est soit suggéré soit partiel, ou il apparaît dans les films ( de Méliès par exemple ) que regarde Amelia durant ses nuits blanches. « Le Babadook se nourrit de deux choses : la peur et le déni », soit la non-acceptation de la mort d'Oskar par Amelia.
Le nom du personnage est celui que l'on peut imaginer étant enfant : les deux premières syllabes ont une consonance semblable à celle de « Papa » ou « Mama_ ». En effet, un enfant se créé un monstre à l'image qu'il s'en fait, le monstre sera bien à lui, aussi il lui donnera un nom familier, formé à partir de syllabes connues de l'enfant.
Le Babadook est un personnage très diffus, mais Jennifer Kent lui donne une image : Le personnage est vêtu intégralement de noir, couleur de la mort, du tourment mais aussi du mystère, de la nuit qui dissimule la vérité. Il porte un chapeau haut-de forme, un masque, ce qui lui donne une expression fixe, et un long manteau noir. Sa silhouette n'est pas humaine, mais symbolique. Il porte juste les habits d'un homme, mais il est impossible de voir ce qu'il se cache en dessous. Jennifer Kent nous montre ici la métaphore d'un homme tourmenté : des habits sous lesquels se cachent toutes les mauvaises émotions ressenties par celui-ci.
La voix du Babadook est singulière et intrigante. : dans le seul mot prononcé par le monstre, soit Babadook, ce dernier prend une intonation particulière et caractéristique : les deux permières syllabes sont accolées, comme pour faire ressortir le côté familier, et la troisième syllabe, « _dook », est prononcée avec un ton de plus en plus fort et strident, pour faire monter la pression et la peur.
Le Babadook devient omniprésent dans la vie d'Amelia, surtout dans la seconde partie du film. Il apparaît dans les films que regarde Amelia ( Méliès ), ses rêves, les lieux publiques ( le reflet dans le rétroviseur de la voiture )., il apparaît aussi sous forme de suggestions : des ensembles de manteaux – chapeaux – chaussures, ensemble déformé par le peur d'Amelia, celle-ci voit le babadook, ou sous forme d'apparitions soudaines ( maison de Mme Roash ).
Au fur et à mesure du déroulement du film, la folie s'immisce en Amelia. Au début, elle n'est pas visible, mais bien présente. En effet, au début Amelia est distance avec son fils, elle est triste et tourmentée, mais ne présente aucun signe d'agressivité ; d'ailleurs le spectateur est loin de se douter qu'elle pourrait en avoir le moindre. Mais au fur et à mesure du film, Amelia est de plus en plus en proie au « Babadook », métaphore de déni et de la peur. Elle a d'abord peur, peur accentuée par son fils, qui, ne sachant pas expliquer l'état d'esprit de sa mère, lui donne l'image du Babadook. Amelia est paranoïaque, et son entourage ne croit pas en l'existence de ce monstre, bien qu'Amelia le voit comme un agresseur extérieur, et non comme une représentation de la non-acceptation de la mort de son mari. Ensuite, le « Babadook » la possède ; la folie, jusqu'alors extérieure, devient intérieure, et Amelia en montre tous les signes. Elle devient insultante envers son fils : « ( citer film) », et même violente, colérique : elle tue son chien, en l'étranglant et tente de tuer son fils.
UNE PEUR RESSENTIE PAR LE SPECTATEUR
Jennifer Kent nous précise qu'elle a « joué sur la plan structurel du film ». En effet dans le cinéma classique, « les scènes se suivent l'une après l'autre » suivant une chronologie, mais dans The Babadook, le spectateur perd la notion du temps. Le début du film est structuré « normalement », « mais ensuite » [les plans] « s'entremêlent » : on perd la notion du temps, parfois celui-ci « se dilate », par exemple pendant la nuit de folie d'Amelia, qui utilise __ minutes du film, et parfois il s'accélère. Jennifer Kent arrive à garder une ligne temporelle continue mais distordue, disproportionnée, parfois ralentie, parfois accélérée, en fonction des émotions de Amelia. « Je veux vraiment qu'on ressente ce qu'Amelia ressent ». Cette distorsion du temps donne au spectateur un sentiment d'insécurité, ne sachant pas contrôler le temps, qui donne tous les repères dans un film. Le spectateur perd donc ses repères comme Amelia, il vit ce que Amelia vit, ses rêves, son sentiment continu d’oppression, sa folie. la réalisatrice, par son choix de disproportion du temps, fusionne le ressentit d'Amelia avec celui du spectateur.
Les choix de réalisation de Jennifer Kent soutiennent ce ressenti de peur : « Je suis obnubilée par le son », nous dit – elle. La réalisatrice essaie de mettre le moins de musique dans son film, pour ne pas donner « d'indices » au spectateur. La musique vient s'ajouter au contexte sans s'imposer, elle ajoute juste une touche de pression au spectateur, sans rien lui révéler. La musique est synchronisée avec l'esprit d'Amelia : lorsque la pression se fait ressentir en elle, la musique elle aussi monte en puissance, tout en restant à l'arrière-plan, mais lorsque Amelia est interrompue ( par son fils par exemple ), la musique s’arrête brutalement. Encore une fois, le spectateur vit ce que Amelia ressent.
Je n'ai pas encore rédigé la seconde partie de la critique - analyse, qui porte sur la puissance de l'amour, cette partie sera prochainement publiée.