Atypique et relativement méconnu le troisième long métrage du trublion Korine nous entraîne dans un curieux happening cinématographique à la fois poétique, expérimental et particulièrement décalé. Avec Mister Lonely le réalisateur américain se distancie des visions white trash des précédents Gummo et Julien Donkey-Boy ( avant d’y revenir deux ans plus tard avec le manifeste Trash Humpers ), instaurant une certaine accalmie dans sa recherche créatrice.
Film-performance à la fois élégant et d’humeur éthérée, parfois sujet à de lourdes et regrettables erreurs de rythme Mister Lonely fait l’effet d’un objet arty digne d’intérêts, assumant complètement ses affèteries tout en proposant une fable pour le moins surprenante. Harmony Korine emprunte le postulat scénaristique des Idiots de Lars Von Trier, remplaçant les punks danois par une bande de sosies en pleine quête identitaire.
De forme éclatée, composite, ce métrage inégal semble plus que jamais poser la question de la représentation du corps chez le cinéaste, question déjà latente dans ces deux films précédents : qu’il s’agisse de Michael Jackson, de Charlie Chaplin, de Shirley Temple ou encore de Marilyn Monroe les figures de Mister Lonely sont comme autant d’enveloppes exécutant une chorégraphie significative, chacune fonctionnant de manière individuelle. En bon film autarcique ladite performance existe avant tout pour elle-même, comme un large geste artistique tour à tour inventif et rébarbatif.
On assiste parfois à de très jolies choses dans ce poème épars, avec en premier lieu un lâcher de nonnes aérien exécuté par un révérend au sobriquet de parapluie ( interprété par le génial Werner Herzog, déjà de la partie dans l’excellent Julien Donkey-Boy ) ou encore une scène d’ouverture évoquant la séquence inaugurale du superbe The Brown Bunny de Vincent Gallo. Une œuvre indépendante, dans tous les sens du terme.