Harmony Korine, sosie de cinéaste intéressant

Un sosie de Michael Jackson rejoint une communauté autarcique de sosies basée dans un château écossais. En parallèle, quelque part en Afrique des missionnaires catholiques multiplient les miracles en chute libre.


Voilà. C'est un peu tout. Après libre à chacun d'y voir une fable hallucinée sur l'absence d'accomplissement, l’aliénation, et un monde de croyances qui tourne vite sur lui-même, tel un manège désenchanté... Un film politique, une utopie, un monde fantasmé, peuplé d’icônes – qui résonne tout autant comme la promesse de la reconnaissance d’une singularité que comme le révélateur d’un profond malaise existentiel. Voilà pour le point de vue d'une cuistre.


Mister Lonely est avant tout un enchevêtrement d'idées visuelles & sonores qui se veulent " poétiques et déjantées", sans rapport les unes avec les autres : des nonnes en BMX qui sautent d'avion sur du Silver Mount Zion, un sosie de Sammy Davis Jr qui fait son numéro avec vue sur les Highlands, une partie de ping pong entre Chaplin et Michael Jackson (qui ressemble plus à Ramzy dans Steak qu'à autre chose), ce sosie de MJ justement qui pédale sur un petit vélo au ralenti sur une musique africaine... Et puis Denis Lavant qui joue "La vie en rose" à l'accordéon alors qu'il est aux prises avec des moutons. Ça suffit pour se croire aussi talentueux que Fellini.


Si j'étais lapidaire je dirais, que c'est plus long et moins bien écrit que la pub Cetelem. Mais j'ai envie de développer les sujets qui fâchent certains cinéphiles encartés :


Tout d'abord, les improvisations sont douloureuses : Werner Herzog avec son avion, la troupe qui construit une scène pour son spectacle, la dispute suite au coup de soleil... Parlotte au ras des pâquerettes, voix qui se superposent, fausses crises de larmes et intonations fausses.


Pourtant Diego Luna et Samantha Morton s'en sortent bien, en personnages mal dans leur peau au point de penser que la vie serait enfin supportable en incarnant quelqu'un d'autre, et à plus forte raison une célébrité adulée par le monde entier (thème déjà abordé bien plus intelligemment dans Dans la peau de John Malkovitch). C'est un contexte difficile pour les deux acteurs car ils ne peuvent s'appuyer ni sur les dialogues, ni sur la mise en scène pour donner de la force à leur jeu.


Denis Lavant est en revanche effroyablement mauvais. Il a une gueule certes, mais ça ne devrait pas dispenser le réalisateur d'une direction d'acteur minimale. Ok, il a une gueule inquiétante de fan de la première heure des Béruriers noirs, mais c'est pas suffisant en l'espèce.


J'imagine le tournage un peu comme un sketch d'Edouard Baer avec un cinéaste "original" qui fait absolument n'importe quoi et qui compte sur la prétention de ses spectateurs pour trouver des qualités à son film. Au passage, la confusion Hitler / Chaplin est l'une des blagues les plus éculées du monde (de H à Idiocracy).


Si on regarde le film avec un brin de dérision, le vernis poético-intello craque rapidement, et on voit le truc pour ce qu'il est. Nu, ça suinte la prétention et la posture. Comme cette scène où les personnages s'exclament avec hystérie que le sosie du Pape pue (?!) Et la scène suivante le montre en pleine nature, lavé dans une baignoire par le sosie de Buckwheat (SYMBOLE !). Mon koko tu te crois en 79 ? Les cathos en ont tellement vu que c'est pas avec ça que tu vas provoquer le moindre scandale. N'est pas Robert Fontrobert qui veut.


L'autre truc agaçant c'est ce casting sous pesé au gramme près qui cherche la connivence du cinéphile sérieux. Leos Carax qui joue l’imprésario du mec qui fait la manche (Gag !), Herzog en prêtre aviateur, la sorcière des Stones Anita Pallenberg en reine d'Angleterre (Gag ! décalage entre leurs images !) ... Le plan semble donc mettre des personnalités cultes dans son film, histoire de montrer à quelle famille il appartient. Celle dont on ne se moque pas. On a échappé à David Cronenberg en dame pipi, Chloé Sevigny en contrôleuse RATP ou à David Lynch en sosie de Louis Van Gaal...


A peu prêt n'importe qui aurait pu signer ce film très peu imaginatif puisque la plupart des idées ont déjà été expérimentées avant (à part les œufs qui chantent, mais était-ce nécessaire ?). Sa seule force réside dans son carnet d'adresse. Difficile dans ces conditions pour un critique ciné peu sûr de lui de s’élever contre cette escroquerie arty qui ne mérite même pas une sélection à Sundance.


Harmony Korine se fout un peu du monde. Mais c'est pas grave, c'est pas le premier. C'est juste un énième type agaçant qui signe une oeuvre risible, et qui se fera pas étriller par une presse habituellement bien plus acerbe avec des films moins creux. Mais il a la carte, c'est un artiste destroy, c'est le journal Elle qui le dit, on sait pas trop pourquoi, mais vouloir faire du sous Van Trier semble suffisant pour qu'on vous laisse tranquille. A moins que Gummo soit une oeuvre tellement puissante qu'elle vous octroie le pouvoir d'imposer n'importe quel bouse de 2 heures sans que cela n'entraîne le moindre sarcasme.


Poétique, déjanté, le Monde nous explique même qu'il est inutile de chercher le moindre sens à ce film. On s'en doutait un peu à vrai dire. Le sens est probablement un concept surcoté depuis Swiss army man.


Mais y a-t-il pour autant un intérêt qui se dégage de ce machin ? Pas plus je pense.
1h50 pour ça, c'est gâcher de la pellicule qui aurait pu servir à faire un truc plus constructif, genre un spot de pub touristique pour Lanzarote.

Negreanu
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les pires films de vos réalisateurs cultes

Créée

le 12 nov. 2020

Critique lue 408 fois

6 j'aime

14 commentaires

Negreanu

Écrit par

Critique lue 408 fois

6
14

D'autres avis sur Mister Lonely

Mister Lonely
Negreanu
2

Harmony Korine, sosie de cinéaste intéressant

Un sosie de Michael Jackson rejoint une communauté autarcique de sosies basée dans un château écossais. En parallèle, quelque part en Afrique des missionnaires catholiques multiplient les miracles en...

le 12 nov. 2020

6 j'aime

14

Mister Lonely
Pom_Pom_Galli
5

Critique de Mister Lonely par Pom_Pom_Galli

Harmony Korine délaisse la trashitude malsaine sundancienne de ses précédents films (que j'adore) pour un film plus conventionnel. Conventionnel, tout est relatif, puisque certains plans titillent...

le 29 nov. 2013

6 j'aime

Mister Lonely
JimBo_Lebowski
3

Confessions intimes, le film

Je suis sacrément déçu par ce film, sur le papier cela laisser présager quelque chose d'intéressant, après "Spring Breakers" je comptais beaucoup sur Harmony Korine, et "Mister Lonely" ne m'a pas...

le 23 avr. 2014

4 j'aime

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

37 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

6

X
Negreanu
3

Seniorrible

Regardons de plus près les similitudes entre les deux grandes sensations horrifiques de l'année :- Barbare de Zach Cregger. Pendant 30 minutes, c'est pas mal, les 40' suivantes baissent en gamme...

le 3 nov. 2022

27 j'aime

7