Revigorante surprise que ce petit film d'horreur indonésien tourné en huit jours,qui prouve que même sans grands moyens financiers il est possible de faire du bon cinéma pour peu qu'on ait du talent,de l'imagination et de la rigueur,qualités dont le réalisateur-scénariste Joko Anwar n'est pas dépourvu.Déjà,esthétiquement,le film est très réussi et refuse de s'adonner au look misérable de l'oeuvre à petit budget.Tourné entièrement à l'intérieur d' une forêt dans un magnifique Technicolor,il distille de la belle image soutenue par un gros travail sur le son et les mouvements d'appareil.Les bruits du vent,des arbres,les cris des animaux sont partie intégrante de l'ambiance stressante qui s'installe.L'ombre et la lumière font également l'objet d'un superbe traitement,de nombreuses scènes se déroulant de nuit.Anwar varie opportunément les prises de vue,privilégiant les images macroscopiques des bestioles des bois,de la terre ou des feuilles,ainsi que les gros plans sur les visages,notamment celui du personnage principal qui devient le théâtre d'une expression organique où se mêlent sueur,tropicalité de l'endroit oblige,et bave et vomi au gré des angoisses vécues par le gars.Ce qui n'empêche nullement le cinéaste de relâcher à bon escient la pression et de faire prendre du recul à sa caméra lorsqu'il le faut et de nous gratifier de travellings haletants.Et puis,surtout,il y a ce scénario diabolique!Un type qu'on avait enterré vivant sort de terre au milieu d'une forêt sans savoir pourquoi ni comment il s'est retrouvé là.En fait,il ne sait absolument rien,pas même qui il est,car il a perdu la mémoire.Il se met à errer dans les bois et va peu à peu découvrir des choses qui vont l'éclairer sur son identité et les raisons de sa présence en ces lieux.Une maison,une voiture,des photos,des vidéos,le cadavre d'une femme lui font comprendre qu'il était venu là en vacances avec sa famille et qu'un tueur sadique les a agressés.Résultat des courses:il est amnésique,son épouse est morte et ses deux enfants ados,un garçon et une fille,ont disparu.Il se met à leur recherche mais s'aperçoit rapidement que l'assassin est toujours dans les parages et s'amuse à le traquer,le manipulant,le terrifiant,et parvenant finalement à lui faire commettre involontairement des actes atroces.Mais le réalisateur installe insidieusement un malaise.On sent qu'il ne nous donne pas toutes les clés et que nous ne sommes pas dans un simple survival à la "Délivrance".Il y a des trucs qui ne tournent pas rond,des détails qui clochent,et le spectateur en est réduit à échafauder des hypothèses,et les plus tordues se révèleront être les bonnes.Il est impossible de deviner la vérité avant les scènes finales mais Anwar sème suffisamment d'indices pour qu'on puisse en subodorer une partie.Ainsi,la répartition des membres de la famille sur les vidéos ou sur les photos,le cadavre se redressant sur le canapé ou la découverte du corps d'un homme ont de quoi nous interpeller et nous mettre sur la voie.Le réalisateur parvient,avec un dispositif minimaliste,à donner un film tendu qui rebondit constamment de manière imprévisible et baigne dans une violence,physique mais aussi morale, absolument pas éludée,tout ceci nous aidant à passer sur le mode opératoire un peu capillotracté du tueur.Il nous livre en outre quelques réflexions sur la famille qui,d'organisme où chacun puise sa force,peut devenir une faiblesse dès qu'elle est en danger et diminuée.La mode des vacances écolo en pleine nature genre Center Park est au passage ironiquement égratignée.L'acteur Rio Dewanto,seul à l'écran pendant quasiment tout le film,signe une fabuleuse performance.Il est à remarquer que son personnage se nomme Evans,ce qui semble être un clin d'oeil au réalisateur de "The raid" Gareth Evans,qui est gallois mais travaille en Indonésie.