Tais-toi
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le 3 janv. 2024
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L'immigration vue du point de vue des émigrants, ça donne un film précieux, mais aussi bouleversant. Car dans les débats à la con qui agitent un peu notre société et beaucoup plus la classe politique et la plupart des médias, les principaux intéressés n'ont jamais la parole. Où à la rigueur, ceux qui sont là déjà depuis plusieurs générations. Et qui n'ont pas vécu dans leur chair le périple souvent incroyablement dangereux qui consiste à partir par exemple de Dakar et à arriver sain et sauf en Europe. Ici, les deux principaux protagonistes, à savoir les deux émigrants, sont interprétés par des personnes qui ont vraiment fait le grand voyage. Rien n'indique que le film décrive leur histoire personnelle et, d'ailleurs, chaque parcours est singulier. Mais ça nimbe la pellicule d'une aura de réalisme, que n'infirme pas les rares témoignages auxquels le français moyen peut accéder.
L'essentiel de l'action se déroule en Afrique et se termine par la traversée de la méditerranée. Et sont ainsi chroniqués les rêves d'ailleurs de deux adolescents de Dakar, leur passage au Mali, puis au Niger, la traversée du Sahara à pied, leur capture par les flics et la mafia libyenne, un séjour en prison et un peu d'esclavage, l'évasion et l'affranchissement et une traversée de la mer en complète autonomie. Leur naïveté fait peine à voir, la façon dont ils sont traités et exploités plus encore. Il y a quelques moments de solidarité et de fraternité qui réchauffent le cœur, mais dans l'ensemble, c'est assez insoutenable. Quelques passages oniriques qui permettent au spectateur de respirer un peu. C'est filmé comme un road movie, c'en est d'ailleurs un, avec des paysages somptueux et de magnifiques images.
Et l'Europe n'est jamais montrée, si ce n'est à la toute fin, par un hélicoptère dont on ne distinguera jamais le pilote. Elle est ainsi parfaitement déshumanisée. Car tous les personnages du film sont racisés : ça, c'est puissant comme inversion du point de vue des régimes européens. Et la fin est ouverte, mais ce qu'auront vécu nos deux émigrants restera à jamais gravé en eux, tant comme souffrance que comme initiation à la vie. Il leur restera à se confronter à nos administrations tatillonnes, à nos camps de rétention, à nos flics et à nos fachos. L'humanité ne va pas bien : difficile de conclure par "heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage...".
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le 9 janv. 2024
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