Moi, Daniel Blake par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Daniel Blake a toujours été un honnête citoyen anglais. Celui-ci habite à Newcastle un modeste appartement d'un quartier qui l'est tout autant. C'est là qu'il exerce ou plutôt qu'il exerçait son métier de menuisier. Mais presque à la soixantaine un malaise sur son échafaudage va brutalement changer sa vie solitaire de veuf.
L'homme se retrouve dans l'incapacité de reprendre son travail selon le rapport médical de son médecin. Dès lors ses revenus sont le fruit d'indemnités versées par les organismes sociaux, ce qui lui permet de s'en tirer sans verser dans le luxe loin s'en faut.
Et puis la vie parfois amène des surprises et là, c'est une mauvaise surprise qui lui parvient par courrier lui signifiant de se présenter à un organisme de contrôle afin de lui faire subir un test d'aptitude pour l'inscription à "Pôle Emploi".
Le pauvre homme, excédé par les multiples formulaires à remplir et les questions saugrenues d'une employée sans scrupule et très à cheval sur la loi, élève le ton afin de prouver sa bonne foi mais rien n'y fait.
Au moment de quitter son interlocutrice cynique, il est le témoin d'une autre discussion entre une autre employée et Katie une jeune femme seule avec ses deux enfants à qui on refuse son rendez-vous pour un léger retard. Celle-ci n'est pas de la région et a dû faire 400 kilomètres pour en arriver à ce triste résultat. Le règlement, toujours le strict règlement, doit être respecté à la lettre et Katie impuissante et désespérée doit regagner la sortie. Daniel va tenter de se mêler à la conversation sans parvenir à obtenir gain de cause pour la jeune femme. A partir de ce moment tous deux vont tenter de s'entraider comme ils peuvent afin de mener une vie digne et surtout faire en sorte que les deux enfants ne subissent pas les angoisses de la vie...

Nous voici donc en plein dans les méandres indescriptibles de l'administration qui demande documents sur documents par l'intermédiaire d'internet faisant fi de celles et ceux qui n'ont jamais de leur vie manipulé ce procédé. Les stages les plus inutiles s'ajoutent aux questionnaires absurdes et voilà que la fameuse missive arrive comme un coup de tonnerre: Daniel est jugé apte au travail tout en ayant la possibilité de faire appel, un appel au jugement décrété d'avance. L'homme demande partout un emploi mais les réponses négatives pleuvent et son cas devient désespéré. Les allocations sont supprimées. Le tour est joué, la finance l'emporte sur le social.
Katie et ses enfants se trouvent également écrasés par ce rouleau compresseur. Donner à manger aux bambins et leur faire suivre la scolarité est l'objectif principal. Dans ce cas on est prêt à tout, prêt à tomber dans les pièges habituels que cette société tend aux jeunes femmes, la prostitution.
Toutefois dans cette galère l'attachement, la proximité et la solidarité qui ont soudé Daniel et Katie vont atténuer le mauvais sort. Daniel qui voulait avoir des enfants fera un excellent grand-père en ce rendant utile également pour la maman. Il s'aperçoit que même usé par la société qui s'acharne et par la vie qu'il sent sur le point de le quitter il y a cette petite veilleuse qui ranime une flamme qu'il transmet à Katie. Celle-ci peut vivre chichement et les enfants ne seront pas moqués à l'école pour leur tenue et leurs chaussures trouées.
Daniel sans un sou vend tous ses souvenirs. Sa maison est presque vide mais lorsqu'il disparaîtra il aura le sentiment d'avoir été utile et d'avoir lutté de différentes façons jusqu'au bout en devenant pour Katie un père et un bon samaritain.

Les sujets abordés dans les œuvres de Ken Loach collent toujours à la réalité des plus humbles, des victimes que la société rejette sans vergogne telle une mer déchaînée qui rejette les galets et les déchets lors des marées. C'est pourquoi j'ai une profonde affection pour ce moment passé avec des personnages qui nous font découvrir combien ils se comportent, sans le savoir, en héros de la vie quotidienne. Comment ne pas avoir une admiration pour ceux qui mènent une bataille incessante à chaque instant de leur existence pour tenter de sortir la tête de l'eau par tous les moyens malgré une société de plus en plus inégale et créatrice de précarité.
Son film dénonce également les lourdeurs d'une administration avec ses manières parfois kafkaïennes et volontaires qui contribuent à enfoncer les uns pour mieux faire ressortir les autres tout en nous faisant observer certains mécanismes employés, tous plus cruels les uns que les autres. Ici l'Angleterre n'en sort pas grandie mais malheureusement elle n'est pas la seule et je crois qu'à travers elle le réalisateur dénonce toutes les nations. Le phénomène est planétaire.

Pour faire passer ce message Ken Loach a eu la très bonne idée de nous offrir de fabuleux acteurs à savoir Dave Johns formidable dans le personnage de Daniel Blake et la remarquable Haylay Sqires dans le rôle de Katie. Ce superbe duo nous captive tout au long d'une œuvre très bien réalisée, divisée en petits chapitres au cours desquels on saute d'un fait différent à un autre et cela donne un rythme très soutenu à ce film.

J'ai tenu à mettre une très belle note à cette admirable réalisation pour son sujet délicat si bien traité avec adresse et persuasion. Une "Palme d'Or" méritée tout au moins à mon avis.

Ce film a obtenu:

La Palme d'Or à Cannes 2016.

Box-Office France: 953 349 entrées

Ma note: 8/10

Créée

le 4 nov. 2022

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