Difficile en fait de définir le thème de "Moi toi et tous les autres". Il s'agit de créer du lien là où le lien est tabou ou improbable, de dévoiler la crudité du désir, d'accepter la surprise dans nos vies, et finalement de prendre des risques. Miranda July, la réalisatrice est aussi une artiste conceptuelle, ce qui n'est pas anodin, bien au contraire. Elle assure le premier rôle elle-même, et y incarne Christine, une artiste conceptuelle en recherche d'amour et d'exposition. Sa rencontre avec un employé de magasin récemment séparé (excellent John Hawkes) va la bouleverser et l'amener à courtiser cet homme, qui au contraire d'elle, n'est guère prêt à l'intrusion de l' Inattendu dans sa vie. Va-t-elle le convaincre?
En dépit de son affiche rose bonbon, ce film n'a rien de mièvre, il est au contraire terriblement adulte, au sens où être adulte consisterait à enfin ouvrir les yeux sur notre nature. Il ne cesse d'ailleurs de vous lancer des piques, de vous mettre en porte-à-faux, au fur et à mesure qu'il envoie ses acteurs chercher des liens inédits et renversants. Un gosse de 6 ans surfe les sites de rencontres sexuelles, une gamine de 10 ans montre son trousseau de mariage à son jeune voisin. Deux jeunes filles flirtent outrageusement avec un type trop vieux pour elles.... July joue beaucoup sur un décalage des âges et des désirs qui, loin d'être scabreux, met en lumière ce qui nous concerne tous, cette soif de contact qui nous habite, et qui est si souvent bêtement contrecarrée (deux personnes sont en face l'une de l'autre, mais bizarrement ne peuvent se parler, et doivent avoir recours à des stratagèmes vidéo pour enfin communiquer!)
Ces rencontres , petits tableaux très bien mis en dialogues, sont étonnantes, et le film tout entier fonctionne comme une de ces installations conceptuelles que l'on découvre dans les musées d'art moderne: au premier coup d'oeil, il est difficile de le saisir, mais si on prend le temps de se laisser absorber, on y sent toutes sortes d'échos, de clins d'oeil, de mises en lien (ou en opposition) de choses qui nous sont finalement familières (désir, peur de l'autre, peur de soi etc...) Tout kaléidoscope a sa cohérence et cette oeuvre tient un peu de ce jeu de lumière oblique.
Dit comme cela, cela fait un peu trop "moderne", mais je vous rassure, on sourit beaucoup, on s'intéresse vraiment à chacun de ces personnages et c'est à mettre au crédit de Miranda July d'avoir ainsi abordé des choses délicates sur le ton léger de la comédie .
Très bonne surprise que cette comédie douce-amère , (merci Diothyme pour la recommandation!) pas toujours aisée, qui nous met dans des situations incongrues, souvent dangereuses, et s'en tire avec une grâce presque magique, la grâce qui vient de la vraie sincérité. Je vous la recommande, avec précaution toutefois, car elle peut surprendre.