Ne m'étant pas jamais intéressé au patinage artistique, sauf quand j'ai pu admirer les photos de Katarina Witt dans Playboy, je me demandais pourquoi le nom de Tonya Harding me disait quand même quelque chose. Je comprends mieux après avoir vu le film. Celle-ci fait partie du mythe visuelo-judiciaire américain, à l'image d'un O.J. Simpson.
Je suis donc parti voir ce film sans attente et j'ai été bluffé. On est proche de l'esprit des frères Coen avec cette plongée dans une Amérique profonde, même pas prolo mais plutôt déglingo. Le plus interpellant est de voir le générique de fin pour constater que la majeure partie des scènes sont une reconstitution minutieuse de faits concrets. Une des palmes revient au personnage de Shawn, le bodyguard spécialiste en contre-terrorisme international vivant chez ses parents. On est face à un guignol de premier rang doublé d'une limace ... qui a réellement existé, on n'est pas dans Fargo. Merica'.
Le film repose principalement sur l'histoire folle de Tonya Harding : Sa relation avec son monstre de mère qui définira et orientera l'ensemble de sa vie par des choix allant dans le sens où on doit la faire souffrir pour qu'elle avance dans la vie, sa relation avec son petit copain et futur mari Jeff pour lequel on développe une panoplie de sentiments allant de la haine à la compassion en passant par l'effarement, sa relation avec sa coach qui sera l'un des rares points d'équilibre dans sa vie avec ses hauts et ses bas, tout est chaotique et tout était prédestiné à un destin tragique moderne comme les États-Unis peuvent nous servir.
Cette œuvre se situe dans la trame de films tels Fargo ou 3 Billboards, on rigole, on est choqué ou les deux à la fois mais on développe continuellement une gamme de sentiments contrastés face à l'ensemble des personnages. Il n'y a rien de blancs, rien de noirs, tout est gris et nous sommes baladés d'un point à l'autre ... sans que nous nous y perdions.
On est complément abasourdis par le chaos régnant autour de Tonya, son caractère et ses choix de vie en découlant ... mais on l'est tout autant par l'attitude de la Fédération de patinage artistique de la blacklister en quelque sorte de par ces seuls points. Son talent et ses capacités sont reconnus mais elle ne correspond pas à l'archétype de l’athlète modèle (et modelée) américaine. Il lui manque l'élégance et une famille modèle. Elle n'a rien de tout ça et même le triple axel ne l'éclairera pas sous un autre jour.
Si l'on prend un peu de recul, on constate également que le film égratigne fortement cette culture occidentale du sensationnalisme et la fascination pour la chute des idoles. Le début des années 90 a été marqué par ces faits ... qui ont été vite éclipsés, comme le rappelle le film, par l'affaire O.J. Simpson. Tonya a été condamnée, c'est fini, elle n'existe plus, le tribunal médiatique a d'autres chats à fouetter. D'ailleurs, une des scènes les plus fortes du film est l'expression directe vers le spectateur de Tonya mentionnant le fait que l'on s'est finalement bien amusé de son destin. Elle vous prend aux tripes et nous questionne sur le fait de rire de la vie des autres.
Pour finir, mentions spéciales aux 3 acteurs principaux : Allison Janney (la mère de Tonya), complètement folle, égoïste et perverse avec une prestation physique rendant bien le côté bloc de marbre dénué de sentiments, Sebastian Stan qui m'a bluffé et prouve qu'il est autre chose que le pote de Captain America, il a un côté loser magnifique qu'il devrait développer dans son futur (selon moi, il est fait pour les films de ce genre) et enfin, Margot Robbie.
Dans mon inconscient, Margot Robbie c'était 2 rôles : la femme de Di Caprio dans le loup de Wall Street et Harley Quinn. Bref, deux prestations mettant en valeur son physique. Ce film lui permet de montrer autre chose et de démontrer qu'elle est une actrice à part entière. Physiquement, elle est dépouillée et enlaidie. Elle arrive à faire passer la force de caractère de son personnage et sa fragilité. La scène face aux miroir est intense et nous rappelle la tristesse d'un clown.
Donc, même si vous n'y connaissez rien au patinage artistique mais que vous aimez le cinéma, allez voir ce film. Vous serez surpris.