Alors que débutait à peine "Molière" (2007) de Laurent Tirard, mon moi-collègien qui végétait tranquillement dans un coin de ma tête, surgit soudainement du fin fond de mon subconscient en braillant ainsi :
- "Hé mais qu'est-ce tu fais ? Sérieux, tu vas r'garder ça ? T'abuuuuuuuses ! Ah nan, putain, ça va être naze !"
- "Hé, ho calmos, mec ! J'regarde juste un bout. T'inquiète, j'ai pas oublié c'qu'on a enduré au collège à se farcir "Les Fourberies de Scapin", "Sganarelle" ou "Le Médecin Malgré Lui".
- "Ah ouaiiiis ! Quel relou ce Molière avec ses conjugaisons de ouf et ses phrases chelou ! Comment j'le déteste ! Presqu'autant que les maths !"
- "J'approuverai éternellement ta haine envers l'algèbre et la géométrie mais ce n'est tout de même pas pour rien que l'on dit du français qu'il est la "langue de Molière". Alors, un peu de respect envers le bonhomme..."
- "Mouais mais bon, il nous a bien cassé les rouleaux avec ses bourgeois et ses aristo mous du gland et leurs histoires aussi couillonnes que Guignol !"
- "Molière était un malin talentueux. Au 17ème siècle, clamer ouvertement ses pensées, ses idéologies, ses rancoeurs était plus grave que voler ou tuer...En cela l'oeuvre de Molière regorge en permanence d'un humour sous-jacent, caustique, pernicieux..."
- "Tu m'fais flipper là, on dirait un prof ! Et puis, niveau humour, comment il se serait fait défoncer par Dupontel ton JB !"
- "Molo p'tit con, c'est pas demain la veille que j'irai me plonger dans un de ses bouquins pour autant mais faut reconnaitre que le mec a contribué à l'ouverture d'esprit qui était alors aussi étroit qu'une meurtrière !"
- "Vas-y, comment tu fais ton papa là ! Et puis c'est qui Molière dans ton film ? Huster, Veber, Perrin ?"
- "Pas du tout. C'est Romain Duris. Tomasi, si tu préfères..."
- "Oh putain la ganache de ménestrel ! On dirait un mix entre Chris Cornell période "Badmotorfinger" et Cabrel à ses débuts !!"
- "C'pas faux ou un hybride entre John Galliano et Francis Lalanne. Allez, sois mignon et retourne dans ton coin, il m'a l'air pas mal ce film."
- "Tu veux pas jouer à Candy Crush plutôt ou mater "Evil Dead", "Highlander" ou même mater un ou deux épisodes de "Starsky et..."
- "Lâche-moi et fais plutôt gaffe à ton slip quand Ludivine Sagnier va débouler !"
Ce biopic se concentre autour d'une étape de la vie de l'auteur alors âgé de 22 ans. Après une longue tournée, Molière est jeté en taule pour des dettes qu'il ne peut rembourser. En échange de sa liberté et de sa remise à flot, il se voit contraint de parapher un contrat auprès de Monsieur Jourdain (Fabrice Lucchini). Ce riche bourgeois crédule et imbu de sa personne l'engage pour l'aider à séduire Célimène (Ludivine Sagnier), une noble et ravissante pute mondaine. Afin de n'éveiller aucun soupçon auprès d'Elmire (Laura Morante), l'épouse de Jourdain, Molière endosse l'identité du prévôt Tartuffe, prétendument engagé comme le précepteur de leur fille. Célimène est également convoitée par Dorande (Edouard Baer), un noble ruiné doublé d'un magouilleur rusé pour grignoter impunément la bourse de Jourdain aveuglé par le rang clinquant de l'escroc.
Bien que "Molière" soit parsemé de répliques extraites de diverses oeuvres du dramaturge, Laurent Tirard évite d'infliger du théâtre filmé en l'agrémentant deci-delà, de jokes contemporaines. Sa pelloche tourne à un rythme dynamique et plein de panache permettant à Romain Duris de composer un Molière virevoltant, romantique, espiègle et perfectionniste (cf l'incroyable scène lors de laquelle il interprète différentes races de chevaux).
"Molière" peut être abordé comme une compilation de son oeuvre, une sorte de "Molière pour les nuls" pédagogique sans être pompeux. Il en ressort un film habile qui fera certainement grincer des dents les puristes et conviendra à ceux frileux de naviguer dans les oeuvres originales.
"Si mon texte est bon pour les cabinets, le vôtre, Monsieur, mérite à peine de sortir du cul qui voudrait bien le chier" (Monsieur Jourdain à Molière)