J'aime Xavier Dolan, c'est officiel. J'avais déjà été éblouie par son "Juste la fin du monde" dont la fin me fait toujours verser des larmes, et que je trouve simplement brillant. C'est rebelote avec "Mommy", devenu grand classique du cinéma québécois, qui s'est forgé depuis sa sortie une solide réputation. Réputation mérité selon moi. Oui, Mommy est un chef d'oeuvre, une œuvre proche de la perfection (voir l'atteignant, comme beaucoup l'ont dit à l'époque) à laquelle je n'aurais franchement rien à reprocher dans cette critique. Je ne pense d'ailleurs rien apporté de bien neuf à travers cette courte critique, à l'exception d'un élément assez personnel.
Pour commencer, revenons sur l'intrigue du film : Mommy nous raconte l'histoire d'une mère veuve, héritant de la garde de son fils, adolescent TDAH impulsif et violent. On retrouve donc ici une thématique chère à Dolan : la mère. Le rapport mère/fils est ici très bien traité et très intéressant, on ressens toute l'intensité, la beauté mais aussi la difficulté de la relation entre Steve et sa mère, Diane. L'amour filiale est aussi un élément très touchant du métrage. Steve est un personnage complexe et puissant pour lequel on développe vite une grande empathie, tandis que Diane est à la fois drôle et touchante. Kyla quant à elle, voisine de la famille et troisième personnage centrale du film, est un à la fois discrète et importante, et nous touche elle aussi à sa façon. Les autres personnages, plus secondaires, sont eux aussi très bon, j'ai notamment aimé le personnage de Paul joué par Patrick Huard, qui est plus ambigu qu'on pourrait le croire. Le film est très bien écrit, et repose en grande partie sur ses dialogues, qui sont tous d'une grande justesse. Mais évidemment, la réussite de ces dialogues et de ces personnages, on les doit avant tout à ces qui les ont incarnés, les acteurs.
Ce n'est pas un secret, Xavier Dolan sait diriger ses acteurs, et il ne choisit pas n'importe qui pour jouer. Commençons par le plus évident : Antoine-Olivier Pilon est incroyable. Ses scènes de crises sont d'une telle intensité qu'on peut se demander s'il n'a pas réellement lui même un TDAH, tant cela semble d'une justesse folle. C'est bluffant, et ça rend le tout très immersif. Ça n'est jamais "trop", jamais "pas assez", jamais "caricaturale", c'est juste, très juste. Anne Dorval, dans le rôle de Diane, est également très forte, tellement naturel avec un vrai sens du timing, encore une fois cela sert à l'immersion du film. Suzanne Clément dans le rôle de Kyla sait être naturelle dans sa difficulté à communiquer (difficulté qui n'est jamais vraiment expliqué par ailleurs, ce qui est pour moi un bon point), et est comme tout les acteurs très douée. On sens que tout ce beau monde est à la fois très bien dirigés par Dolan, mais on sens aussi qu'ils ont une vrai liberté de jeu pour proposer leurs interprétation de leurs personnages, et tout cela fonctionne brillamment.
La mise en scène fonctionne elle aussi avec brio, mais là dessus je pense que tout a déjà été dit. Le film est vraiment millimétré, il y a une vrai maîtrise. Le principale parti prie esthétique du film c'est son format carré, en [1:1], qui n'est pas juste là "pour faire jolie", servant un vrai propos sur l'enfermement de ses personnages. C'est quelque chose que j'avais déjà remarqué dans "Juste la fin du monde" : les plans montrait souvent les personnages seules, dans des plans serré qui pouvaient être très oppressant. Ici, Dolan avait poussait le trait encore plus loin à travers le format même du film. Les personnages sont donc souvent seul dans leurs plans, et sont comme enfermé dans chaque situation. Il arrive à quelques moments que le film passe au format [16:9], lors de scènes de bonheur, où les personnages se sentent enfin "libre", mais ces instants ne durent que peu de temps, le format [1:1] reviens dés qu'un élément viens menacer le bonheur des protagonistes. Comme souvent dans le cinéma de Dolan, les personnages gagnent des petites victoires, mais se retrouvent rattraper par la vie. Et évidemment, en évoquant le format du long métrage, je ne peux passer sous silence la sublime scène où Steve viens lui même élargir le cadre, sous fond du titre "Wonderwall" d'Oasis. Une scène tout simplement sublime.
Voilà voilà, je crois avoir à peu près tout dit, il ne me reste maintenant plus qu'une chose très personnel à évoquer : le joual. Bon dieu que j'aime le joual. Ce parler populaire français du Québec est pour moi tout bonnement sublime. Et au même titre que la langue française joue un rôle dans mon appréciation d'un film de De Funès, le joual a ici participé à me faire aimer le film. Parce que j'aime la façon de parler de ces gens, et donc ici de ces personnages, j'aime profondément leur langage, leur façon de s'exprimer, leur accent, leurs expressions, leurs sacres, etc. Je trouve l'accent québécois et le joual magnifique, il y a un aspect à la fois très quotidien, parce qu'on sent que c'est du parler populaire, mais aussi un aspect dépaysant parce que je suis Français, et même si je me suis habitué avec le temps à l'accent québécois, je ne pourrais jamais trouvé le joual aussi naturel pour moi que le "français de France" disons. Et bon dieu que j'aime le joual. Je pense que c'est quelque chose qui n'était vraiment pas calculé par Dolan, puisqu'il est lui même québécois et qu'il visais tout d'abord son publique québécois, mais pour moi c'est un élément important, qui m'as touché. Ceci dit, il est clair que l'utilisation du joual a un sens concernant les personnages, le fait qu'ils utilisent un parlé populaire les caractérise eux et leurs classes sociales. Enfin bref, vive le joual.
Contrairement à certains, je ne dirais pas que j'ai été bouleversé par ce film, mais ce fut une expérience forte et riche en émotion. J'ai vraiment adoré, j'ai été transporté par le métrage du début à la fin, et savoir que Dolan a été capable d'une tel prouesse à 25 ans seulement, ça force le respect. Cet homme est un prodige. Bref, regardez ce film si ce n'est pas encore fait. Un véritable chef d'oeuvre.