Lorsque j'ai vu "Mommy" pour la première fois, il m'a été impossible de mettre des mots sur l'expérience que je venais de vivre. La déflagration avait été trop forte et j'avais la gorge trop nouée pour qu'en sorte le moindre son. Ainsi j'ai renoncé à rédiger une critique et même à le noter. Mettre un 10 à un tel film sans en expliquer la cause, le classer dans des listes, noyé au milieu du reste, me semblait ne rimer à rien.
J'aurais bien sûr pu me contenter de livrer ces choses maintes fois écrites à son sujet : mise en scène virtuose, comédiens en lévitation, BO parfaite, etc etc. Bref faire dans le technique et renier ce qui m'intéresse chez Dolan, c'est-à-dire le charnel, l'abrasif.
Mais voilà j'ai à nouveau rencontré Die, Steve et Kyla cette nuit , et cette fois impossible de me taîre. Car l'envie de leur dire que je les aime est trop forte, qu'ils resteront gravés dans ma mémoire à tout jamais.
Aimer, justement "Mommy" ne parle que de ça. On se hurle dessus pour se dire qu'on s'aime, on se frappe pour se dire qu'on s'aime, on parle de tarte et de crumble pour se dire qu'on s'aime, on fait interner son fils pur lui dire qu'on l'aime...
Dans "Mommy", les larmes remplacent les rires, les rires remplacent les larmes, on souffre fort mais on vit fort, on court, on fait du skate en musique, au ralenti pour hurler "Liberté".
Dans "Mommy" on respire quand l'écran s'élargit, laissant place au 1.78 et au bonheur, à l'espoir, on étouffe quand le 1.33 réapparaît avec son lot de malheurs.
Dolan est fascinant car il est , malgré son jeune âge, sans nul autre pareil pour évoquer la puissance et le ravage des sentiments, les fêlures trop béantes pour cicatriser. A ce titre, ses Die, Steve et Kyla ne sont d'ailleurs pas si éloignés de ses Louis, Martine, Antoine, Suzanne et Catherine de "Juste la fin du monde".
En résumé si vous aimez le cinéma qui bouscule, remue bien fort les entrailles, dont on ne sort pas intact, "Mommy" vous poursuivra longtemps, très longtemps. Par contre si vous voulez du confortable, passez votre chemin.