(Ceci n’est pas un spoil, juste un peu de rhétorique.)
J’étais partie pour ne pas aimer Mommy. Un tel déchaînement de critiques élogieuses sur un film intello, une telle unanimité, j’avoue que ça me faisait peur (et puis j’ai l’esprit de contradiction). J’avais des attentes énormes, et je m’attendais évidemment à être déçue.
Comme j’avais tort.
Mommy, c’est la beauté de l’instant, lorsque Steve, l’ange blond du malheur, juché sur son skate qui divague le long de la route, cherche à atteindre les bords du cadre de ses bras tendus. Il déborde de vie, mais la chanson qu’il écoute n’est pas la même que la musique extradiégétique ; Steve est décalé, en dehors de ce monde.
Mommy, c’est la profondeur du moment. C’est la réalisation pudique et forte d’un réalisateur qui sait filmer les visages et les peaux, faire du mascara qui coule épongé sur le visage d’une mère une déclaration d’amour.
Mommy, c’est de l’humour là où on ne l’attend pas, car la vie peut être absurde lorsqu’on ne s’y attend pas. Mommy c’est de la poésie là où il n’y a que de la tragédie, et du drame dans le rire. Pas de pathos, juste la vie.
Et visuellement, quelle merveille. Cette image au format 1:1, mise en scène, éclairée et filmée avec une grande sensibilité, est semblable à un polaroid d’enfance. Et Dolan l’assume.
Comme dans chacun de ses films, c’est un peu de lui qu’on retrouve dans cet ado au trop plein d’énergie, de haine et d’amour. Mais alors que la musique et les ralentis flous étaient parfois aléatoirement disposés (comme dans Les Amours imaginaires), chaque effet a ici une signification et un impact bien précis.
Surtout, Mommy est à rapprocher de J’ai tué ma mère dont il est en quelque sorte une réécriture plus aboutie. Anne Durval et Suzanne Clément jouent des rôles très proches, mais avec l’ajout au casting du talentueux Antoine Olivier Pilon, à la base simple personnage anonyme sur Laurence Anyways. Mais là où le premier film de Dolan avait parfois un peu de mal à nous ancrer émotionnellement, ces personnages semblables aux gens que le réalisateur côtoyait dans son enfance (le film étant d’ailleurs filmé dans la banlieue de Montréal où il a grandit) nous prennent littéralement aux tripes.
Dolan a exorcisé ses démons par le cinéma, et cela lui a incontestablement réussi.