Audacieux. Magnifique. Prodigieux. Voilà les superlatifs que j'ai l'habitude d'utiliser pour décrire l'univers cinématographique de Xavier Dolan. Adjectifs glorieux que l'on ne peut qu'attribuer à « Mommy », le cinquième long-métrage du jeune cinéaste québécois.
Ce dernier décide à nouveau de traiter des relations difficiles entre une mère et son fils, comme dans la quasi totalité de ses films (on se souvient des rapports houleux entre Chantal et Hubert dans « J'ai tué ma mère », ou encore de la mère de Laurence dans « Laurence Anyways », qui acceptait mal sa transformation), mais cette fois-ci, les conflits sont gérés sous un nouvel angle, qu'est la maladie psychologique : Diane, tempête de feu juchée sur des talons en toutes circonstances, hérite de la garde de Steeve, hyperactif et violent. Leur rencontre inattendue avec Kyla, la mystérieuse voisine fragile et timide, leur procurera une sorte d'équilibre, une paisibilité retrouvée, une onde d'espoir provisoire et savoureuse.
J'ai remarqué que, dans le cinéma de Dolan, les personnages sont souvent - si ce n'est toujours - victimes d'ostracisme. Rejetés par la société, ces marginaux se retrouvent cloîtrés dans leur propre détresse. Cette notion d'enfermement se confirme grâce au format 1:1, brillamment utilisé. On a l'impression que les protagonistes sont prisonniers dans ce cadre étroit, lourd, pesant, qu'il suffit d'élargir de ses mains, lors d'une sublime scène de skateboard, pour aspirer enfin une bonne bouffée d'air frais.
Visuellement, c'est très beau. Comme dans tous les films de Dolan, la photographie est magnifique. L'esthétique pop de ce cinquième long-métrage apporte une dose de fraîcheur, épouse parfaitement chaque scène, chaque dialogue irrésistible.
Anne Dorval est magistrale. On sent l'affection que le réalisateur a pour elle, le désir inconditionnel de la filmer. Même chose pour Suzanne Clément, qui interprète là un rôle en opposition totale avec son personnage dans « Laurence Anyways ». Elle est magnifique une nouvelle fois. Muses de Dolan, elles sont merveilleuses, belles, drôles, vraies. Elles nous livrent des performances époustouflantes, inoubliables. Du haut de ses dix-sept ans, Antoine-Oliver Pilon ne démérite pas non plus. Superbement filmé et mis en valeur, il nous dépeint un adolescent tumultueux et violent, qui ne demande qu'à aimer et être aimé.
Dans « Mommy », les cris de rage dissimulent un amour sans limite, une passion dévorante vouée de l'un à l'autre. Dans « Mommy », on se hait pour mieux s'adorer ensuite, on se défoule allégrement sur du Céline Dion, « le trésor national ».
« Mommy » est un tsunami d'émotion qui vous submerge. Dépourvu d'orgueil et de narcissisme, c'est un diamant pur qui nous embarque simplement dans l'univers singulier d'un jeune réalisateur prodige, monde fantasque où les ralentis sont omniprésents et mélancoliques, règne des couleurs criardes et des apartés musicales. Me laissant happer par cette vague d'émotions, je ne veux plus remonter à la surface. Je veux rester dans le monde de Dolan, où, dans tous les cas, triomphe la mère. La mère, toujours la mère. Anyways.