"Tom à la ferme" fut mon premier Xavier Dolan, une sorte de dépucelage maladroit, ce film ne m'ayant pas convaincu.
Mais je me suis toujours dit qu'il faut aller plus loin, pousser la découverte, revenir dans l'oeuvre passée, ou découvrir la filmographie future.
Médiatisation en force. Festival de Cannes 2014, un gaillard de 25 vient présenter son nouveau film, son cinquième, sensation sur la croisette. Les critiques crient au génie, alors que d'autres enterrent ce film. La course est lancée, Xavier Dolan est propulsé vers le haut, on parle de lui pour la Palme d'Or.
24 mai 2014. Palmarès. Dolan rate le coche, emportant avec lui le Prix du Jury, et offrant aux spectateurs un discours des plus émouvants.
Mais que nous cache le nouveau film de Xavier Dolan ? Comment un aussi jeune réalisateur arrive-t-il à se faire aimer et à se faire reconnaître dans cette jungle qu'est le cinéma ?
Il faut attendre le 8 octobre, date de sortie de son nouveau film.
« Mommy » est bouleversant. Une véritable claque.
Rares sont les films où la beauté du scénario arrive à s'allier avec beauté de l'image.
« Mommy » est l'histoire d'une vie. Et quelle histoire. Quel destin pour une famille décomposée, puis recomposée. L'adolescence n'est-elle pas la période la plus compliquée ? Là où l'on se cherche, on se questionne, on s'abandonne, on pense, on revit, on fait preuve de folie... où l'on aime, où l'on apprend à donner de l'importance aux choses qui en méritent, vraiment. Un je t'aime moi non plus constant.
Violence, amour, mépris, haine, colère, hésitation.
Mon fils à des crises, une bipolarité le tient comme prisonnier, comment agir ? Centre d'éducation ou domaine familial ? Ouverture aux autres ou fermeture sur soi-même ?
La magie opère. Un tour de force, un tour magistral, un tour brillant de 2h18, qui paraissent pour quelques secondes chez le spectateur.
Anne Dorval en mère désabusée transperce le spectateur, Antoine-Olivier Pilon transporte ce dernier, entre rires et larmes, pouvant balancer une blague potache, et enchaîner en chantant Vivo Per Lei. Suzanne Clément bouleverse, et crée la confusion. Quelle est donc cette relation, cette histoire, des plus fusionnelle ? Simple amitié ou amour caché ?
En ce film réside bien des mystères.
Xavier Dolan sait où il va, et ne tombe jamais dans l'excès. Il sait ce qu'il veut, en résulte des plans inoubliables. Dolan est sur tous les coups, dosant sa lumière à la perfection, dirigeant ses acteurs avec une poigne et une délicatesse qui se fait sentir à l'écran.
Le réalisateur brise les codes des formats, et permet au spectateur de contempler la beauté de ces acteurs, la force de ces expressions corporelles, le visage décomposé ou heureux, la larme qui coule le long de cette joue, le sourire qui se hisse sur le coin de la lèvre.
Mais « Mommy », ce n'est pas qu'une histoire de plateau et de mise en scène. « Mommy », c'est un montage d'une beauté fulgurante, un enchaînement rythmé, rarement décousu, faisant vacillé le spectateur entre rêves et réalité.
« Wonderwall » d'Oasis nous envoie au 7ème ciel, Lana Del Rey nous scotche jusqu'à la fin. Choix judicieux et réfléchis.
Ce film pose tant de questions, pour la plupart ouvertes, auxquelles seuls l'opinion, l'avis du spectateur pourra répondre, mais par lesquelles tout le monde peut se sentir concerné.
« Mommy » est une poésie violente, dans laquelle vient se fondre une douceur absolue.