La grande sensibilité du cinéma de Xavier Dolan est aussi bien sa force que sa faiblesse. A l'image de son discours de remerciement au festival de Cannes, Dolan déborde d'énergie, d'idées et d'émotions et c'est un vrai plaisir, un immense bonheur de le voir justement vieillir, et contrôler de mieux en mieux, diriger de mieux en mieux ses films, ses désirs et envies. Ses thèmes restent les mêmes mais les histoires sont plus étoffées, toujours très riches et débordantes d'énergie, mais plus maîtrisées qu'avant. Il faut tout de même se dire que Dolan sera, certainement, toujours un cinéaste à placer du côté de l’exubérance, en témoigne le choix des personnages qu'il filme, pas des tendres, pas des calmes, mais des gens qui sont brûlés intérieurement, des gens qui bouillonnent littéralement.

Avec Mommy, il est certain que Xavier Dolan marque une évolution dans son cinéma, il continue de creuser les moyens visuels pour exprimer ses idées (format d'image, costumes, couleurs, angles de prise de vue), il ose mais ne se permet pas non plus toutes les folies. Ce qui est intéressant avec son cinéma, c'est qu'il est en perpétuelle expérimentation et donc en prise de risques, il essaie, tente, et bien sûr, c'est son talent évident qui fait que le résultat n'est pas un bazar sans nom mais un film brut d'émotions. Mommy est un rocher, une pierre brute mais fragile que le cinéaste taille et façonne au fur et à mesure. Par moments ce sont des blocs entiers qui s'écroulent et, à d'autres, ce sont de petites touches, plus discrètes et sensibles qui se forment, se dessinent.

Le beauté du film vient de ce mélange entre rage et poésie qui existe dans chaque plan et au coeur même des personnages. Tous sont des êtres fêlés et tous font leur mieux, mais le handicap est lourd et l'avancée lente et semée d'embûches.

Une chose est sûre, il sera d'oublier ce jeune homme tournoyant avec son caddie sur le parking d'un supermarché, il sera difficile d'oublier ses explosions terrifiantes, il sera dur le regard si timide de Kyla qui ne parvient pas à se libérer du poids des mots, il sera impossible d'oublier leur histoire, leur évolution, leurs sourires, leurs moments de complices comme les plus difficiles. Il sera difficile d'oublier combien il peut être douloureux d'aimer.
busterlewis
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le 15 oct. 2014

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