Pas facile de parler de Mommy, comme il n’est pas facile de parler de Dolan. Le jeune prodige, c’est un peu le personnage qui peut facilement irriter, surtout quand on fait des films aussi stylisés que les siens. Cinq films en cinq ans à seulement 25 ans, non seulement ça rime mais surtout ça impressionne. Surtout quand il ne se contente pas d’être réalisateur, mais également acteur, scénariste, producteur, monteur et j’en passe.
Ayant exploré dès son premier film, J’ai tué ma mère, sa jeunesse quelque peu compliquée, il revient au sujet par la fiction avec Mommy. J’avais vu et adoré Les amours imaginaires et Lawrence Anyways parmi ses précédentes réalisations, mais Mommy place la barre un peu plus haut. En si peu de temps, il semblerait que son cinéma a évolué de façon assez significative, devenant plus mature et moins chargé esthétiquement, ce qui pouvait lui être reproché. Il ne se trahit pas non plus, les ralentis avec des choix musicaux parfois surprenants sont toujours là, mais avec peut-être plus de sens. Et surtout, comme dans Lawrence Anyways, le scénario est fort, distillant sur la durée des scènes d’une rare intensité.
Une mère célibataire qui doit réapprendre à vivre avec son fils hyperactif et violent, il est compréhensible que ça ne fasse pas rêver tout le monde, tant ce genre de sujet a pu être abordé au cinéma, et souvent de façon bien lourde et larmoyante. Si Mommy est bouleversant, c’est de maîtrise de son sujet, abordé de façon frontale et toujours juste. Pour prendre un exemple récent, comme avec La vie d’Adèle le film atteint une certaine universalité sans que l’on soit directement concerné par le sujet (qu’Adèle soit lesbienne ou que le garçon soit hyperactif ne sont pas des éléments qui définissent l’histoire). Les joies et les peines, les douleurs, les traumas des relations parents-enfants sont exposés sans fard, sans détour, et vous cueilleront souvent quand vous vous y attendrez le moins.
Parlons rapidement de la technique, avec une utilisation remarquée du format carré 1:1, qui ne manque pas de surprendre au début du film. L’objectif assez clair d’enfermer les personnages dans un cadre resserré, de nous faire ressentir leur étouffement est une réussite, et Xavier Dolan joue avec ce format de façon virtuose à plusieurs reprises. Il tire également le meilleur parti de ses acteurs, que ce soit dans les scènes dures ou plus légères, on oublie vite qu’on est face à un film. Une grande réussite sur tous les plans, on ne peut qu’attendre avec impatience son prochain film.