"Ma main à couper qu'ça va encore tourner autour du trou d'balle, ct'histoire" se serait écrié Jean-Claude de Dikkenek à l'annonce de la sortie du cru 2014 de Dolan. Grave erreur, si le quebécois s’était aventuré depuis quelques années dans des thématiques très LGBT (genre, identité sexuelle…), il revient avec force à son premier amour en posant sa caméra sur le fragment de vie d’une mère et de son fils empêtrés dans un climat incestuel. L’image en 1 :1 transpose sur le spectateur le malaise du jeune héros qui, étouffé par ses troubles de l’attachement, souhaiterait lui aussi élargir son cadre et conquérir une nouvelle liberté. L’arrivée d’une nouvelle voisine, femme craintive et débordée d’angoisse, va constituer un véritable tiers séparateur permettant de redéfinir cette relation fusionnelle et d'amener l’espoir d’un nouvel équilibre dans le couple.
Le film montre dans la grande tradition du Feel Good Movie comment des êtres fragiles, perdus, heurtés par la vie vont prendre conscience dans un raisonnement très Anna Gavalda qu’« Ensemble, c’est tout, tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin… ». Les séquences musicales pop 90’s (Counting Crows, Oasis, Eiffel 65) tout en incarnant parfaitement l’esprit du film, subliment le trio d’acteurs et s’inscrivent dans l’imaginaire poétique du spectateur qui prendra plaisir à les revoir sans modération (notamment une scène sur du Céline Dion qui rivalise avec le Marsupilami).
Mais Mommy n’est pas un feel-good movie pour autant, son héros hyperactif écorché vif, transpire ses émotions, vomit sa colère, s’agite comme un dément dans une danse qui laisse craindre le ballet tragique. Mommy s’inscrit dans la tradition des grands films d’auteurs qui sans s'encombrer d'une structure scénaristique originale touchent le spectateur tout en dévoilant à travers quelques instants de vie, l'humain dans toute sa complexité et sa fragilité.